De l’intérêt du concept de nature humaine – Au fondement du cosmopolitisme (1/2)
Je me propose de montrer que, malgré les objections qui lui ont été souvent adressées, le concept de nature humaine constitue l’ultime fondement du cosmopolitisme. Cette proposition ne signifie nullement que les justifications morales et politiques de l’engagement cosmopolitique sont secondaires. La force émancipatrice du cosmopolitisme n’est en effet pas assujettie au caractère heuristique de la notion de nature humaine. Le cosmopolitisme serait désirable même si les hommes n’étaient pas essentiellement semblables. Il n’est néanmoins pas inutile d’essayer de montrer en quoi ils le sont, ne serait-ce que pour accentuer la faiblesse des arguments de ceux qui se réfèrent aux appartenances, aux identités originelles ou encore aux racines, comme aux Évangiles. Et si véritablement ils sont semblables, il serait absurde de ne pas considérer notre commune nature comme, à la fois, une limite et un horizon à notre réflexion politique, autrement dit d’établir un lien fort entre anthropologie et politique. Mais avant de dire comment je l’envisage, je souhaiterais décrire de quelle façon, dans l’histoire intellectuelle récente, cette problématique s’est présentée.
Quelle sorte de créatures sommes-nous ?
Pour de nombreux sociologues et philosophes politiques, l’homme originairement n’est rien, c’est-à-dire rien par nature. Comme le résume Alain Renaut, la libération de l’humanité en l’homme doit consister en un « arrachement à toute naturalisation, arrachement qui (…) l’ouvre à l’autonomie qui est sa destination ou sa vocation, en même temps qu’à la véritable universalité humaine, qui n’est pas une universalité pleine, au sens de celle qui consisterait dans le partage d’une essence ou d’une nature, mais au contraire une universalité vide ».
Malgré mon amicale admiration pour Alain Renaut, notamment pour son humanisme exigeant, je pense au contraire que nous avons besoin d’une universalité pleine, ce qui signifie que nous avons le plus grand besoin du regard des scienc