Les sciences sociales face à un roman – sur Les Derniers jours du Parti socialiste d’Aurélien Bellanger
Comment deux enseignants-chercheurs en sciences sociales peuvent-ils traiter un roman comme celui d’Aurélien Bellanger, Les Derniers jours du Parti socialiste, alors qu’ils ont mené des recherches sur des thèmes abordés centralement par le romancier[1] ? Plusieurs écueils s’offraient à nous.

Nous aurions pu nous contenter de traiter du roman comme d’un matériau pédagogique servant d’illustration plus imagée à des analyses académiques. Ou, dans une logique de surplomb scientiste, regarder de haut le registre littéraire au nom de La Science. Ou encore, dans une posture postmoderne à penchant relativiste, nous aurions pu aborder textes scientifiques et textes littéraires sur le même plan, comme faisant partie d’un même ensemble de bricolages culturels.
Nous avons préféré faire dialoguer le registre universitaire et le registre romanesque en étant attentifs à leurs particularités et à leurs effets de vérité et de cécité respectifs. C’est dans cette perspective que nous avons traité les sciences sociales et la littérature comme renvoyant à des « jeux de langage » au sens de « la seconde philosophie » de Ludwig Wittgenstein. « L’expression “jeu de langage” doit ici faire ressortir que parler un langage fait partie d’une activité ou d’une forme de vie », écrit ce dernier dans ses Recherches philosophiques[2].
La sociologie politique et la théorie politique, que nous pratiquons, ainsi que le genre romanesque, que pratique Bellanger, seront ainsi appréhendés comme des registres autonomes, appuyés sur des « formes de vie » et d’« activité » partiellement propres, avec des différences entre eux non exclusives de zones d’intersections et d’interactions variables. Sur ce dernier plan, on sait déjà grâce à Wolf Lepenies que les premiers pas historiques de la sociologie peuvent être lus comme une hybridation entre science et littérature[3]. Dans ce cadre, les sciences sociales seront traitées comme des « jeux de langage » particuliers privilégiant le savoir : ce que le b