Exposition

Vers l’extinction du sixième soleil ? – sur « Mexica » au musée du quai Branly

Philosophe

S’il y a des offrandes dans toutes les religions, la prégnance des sacrifices humains chez les Mexicas surprend. Aucune cruauté gratuite cependant : ces offrandes sont le symptôme de la conscience qu’ils avaient de l’implication humaine dans la marche du cosmos. Sans elles, le Soleil arrêterait sa course. On se prend alors à rêver d’une conscience écologique contemporaine aussi aiguisée, aussi humble que la conscience cosmique des Mexicas…

Nulle autre civilisation, peut-être, que celle des Mexicas n’aura su et éprouvé aussi tragiquement à quel point elle était mortelle. Son empire fut bref et fulgurant, sa religion inquiète et eschatologique : l’exposition qui lui est consacrée au musée du quai Branly, composée de nombreuses offrandes et autres objets rituels, permet d’en saisir toute la mesure.

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En nous plongeant dans son histoire, sa cosmologie et ses pratiques cérémonielles, elle propose une approche à la fois scientifique – nourrie des dernières recherches archéologiques menées au Templo Mayor à Mexico – et profondément bouleversante. Car, à bien y regarder, il n’est pas impossible que les mythes et les rites préhispaniques rejoignent en partie les inquiétudes d’aujourd’hui.

La civilisation mexica aura vécu à peine deux cents ans. Originaires des steppes du Nord – plus précisément, d’après la légende, de la cité d’Aztlan, ce qui leur vaudra d’être appelés « Aztèques » –, ceux qui la fondèrent s’installèrent dans le bassin déjà partiellement urbanisé de Texcoco, où ils bâtirent au XIVe siècle, sur son lac, une ville que les conquistadores, avant de la soumettre et de la détruire, admireront et compareront aux plus belles villes européennes. Mexico-Tenochtitlan deviendra alors la capitale d’un empire éclatant : langue et religion mexicas s’imposeront sur un vaste territoire, des fonctionnaires iront prélever l’impôt aux quatre coins de l’empire, ses terribles guerriers tiendront en respect les populations insoumises, l’architecture, la sculpture, mais aussi l’art des jardins, du vêtement ou de la table s’y développeront avec force et raffinement.

Mais c’est alors en pleine jeunesse que cette civilisation fut stoppée nette par la Conquista. Passés en quelques décennies d’une tribu nomade et barbare (« chichimèque ») à l’empire le plus puissant de la Mésoamérique, les Mexicas n’en seront pas moins rapidement écrasés par les Européens et leurs alliés indigènes en 1521 : système politique, cult


Cyril Legrand

Philosophe, Enseignant au Lycée européen de Villers-Cotterêts