Désapprendre la ville avec un chien
Rémi est né sur les bords de la Dordogne en janvier 2020. Six mois plus tard, il arrive dans un village des Alpes. C’est un faux départ. Une année passe et sa compagne s’en sépare. Il est en transit à Paris en attendant un point de chute. Nous – Florian et moi – le croisons, une rencontre de trottoir. Les péripéties font que Rémi nous est remis la semaine suivante sur un autre trottoir. Ni lui, ni nous, n’avions auguré d’un si simple et succinct début.

Il a presque deux ans et pour la première fois, il traverse une ville, Paris, du 13e arrondissement à Saint-Ouen-sur-Seine. Deux heures de marche et déjà la ville nous devient incertaine. Là où nous savions marcher, nous arrêter, ralentir, éviter, Rémi arpente par d’autres postures, d’autres cadences. Rémi marque le début d’un dévoilement de la ville. Non pas de ces espaces cachés, que l’on découvrirait au détour d’une promenade, mais de quelque chose de plus fondamental, à la fois émancipateur et conflictuel.
Il y a cette première marche approximative et les suivantes, tous les jours. Nos chemins s’accommodent comme deux parallèles, si proches qu’elles semblent confondues. On s’accorde à marcher cette ville incertaine. Je regarde Rémi et Florian côte à côte, accélérer, tourner à droite, s’arrêter, observer, râler parfois, liés par la laisse qui tire l’un et l’autre dans un ballet de trajectoires qui sans cesse s’ajustent.
Cette distance qui s’équilibre, se tend et se distend, tantôt lâche puis raide tout à coup, incorpore une démarche mi-chienne mi-humaine qui déroute la ville que nous connaissions. La laisse, une corde entre nous, est une synapse mécanique, une structure articulaire supplémentaire qui lie nos deux corps et nous implique dans des actes communs. Elle nous informe mutuellement de stimuli imperceptibles pour l’un ou l’autre. Nos sens s’ajustent, il sent et je regarde.
À deux, nous sommes augmentés d’une vision lointaine et d’un odorat redoutable pour nous guider. « L’acte de marcher est au sys