Directive sur le travail de plateforme : le salariat au pied du mur
Il peut sembler paradoxal, voire incongru, de s’interroger sur l’avenir du salariat à un moment où les États membres de l’Union européenne s’apprêtent à signer une directive qui reconnaît le principe d’une présomption légale d’emploi pour les personnes exécutant un travail via les plateformes numériques[1].

On objectera, cela ne fait aucun doute, que le salariat « c’est ici et maintenant » ; que « depuis de nombreuses années et pour longtemps encore, des millions de personnes en Europe sont des salariés, travaillant entre trente-cinq à quarante-huit heures par semaine, embauchées en contrat à durée indéterminée, et bénéficiant d’une couverture sociale ».
Mais la question que nous posons n’est pas de savoir qui nous sommes, mais plutôt celle de savoir d’où nous partons pour tenter de comprendre où nous allons. Or cette directive mérite attention car elle met au jour bien des incertitudes et soulève bien des interrogations quant à la place du salariat dans ce capitalisme de plateforme en pleine expansion.
La directive européenne sur le travail de plateforme : une régulation en trompe l’œil
Vendredi 22 décembre 2023, le Parlement européen votait une loi, présentée comme une grande avancée sociale, qui prévoyait que le moindre soupçon de subordination d’un travailleur indépendant connecté à une plateforme, pouvait déclencher une présomption légale de salariat au bénéfice du requérant.
Quelques jours plus tard, le refus de plusieurs États membres (dont la France) d’approuver ce texte jugé trop laxiste, bloquait l’accès au statut de salarié de tout ou partie des quarante-trois millions de travailleurs indépendants qui pouvaient se sentir concernés (dont cinq millions de faux indépendants).
Last but not least, le 10 mars 2024, le Conseil et le Parlement européen s’entendaient sur une nouvelle version : d’une part, le texte abandonne la technique des faisceaux d’indices sujette à polémique et se limite à imposer le principe d’une présomption légale de salariat sur