International

Les Gilets Jaunes vus de Moscou

Historien

Au début du mouvement des Gilets jaunes, certains ont voulu y voir une nouvelle manipulation du Kremlin, dont les médias semblent avoir acquis le statut de favori parmi les protestataires. En Russie, certains journalistes comme Dmitri Kisselev y ont vu plutôt la main de Washington. En vérité, cette question ne mérite pas une heure de discussion, ce qui s’avère beaucoup plus intéressant en revanche c’est de voir comment le mouvement est instrumentalisé par Moscou pour discréditer les démocraties occidentales et valoriser le modèle russe.

L’ombre du Kremlin se profilerait-elle derrière les Gilets jaunes ? L’hypothèse émerge le 8 décembre – quatrième journée de mobilisation – sous la forme d’un article publié par le Times, lui-même tributaire d’une note émanant des services de renseignement français.

Deux éléments sont mis en avant. C’est d’abord l’activité de plusieurs centaines de comptes Twitter censément téléguidés par Moscou et chargés de jeter de l’huile sur le feu, notamment en relayant les posts des leaders du mouvement ainsi que des photos de manifestants blessés par la police. Plus révélatrice encore serait la couverture des événements proposée par Russia Today et Sputnik, deux agences d’information appartenant à l’État russe et qui auraient pris fait et cause pour les Gilets jaunes, gagnant au passage le statut de médias favoris des protestataires.

Quelques jours plus tôt (2 décembre), la question des Gilets jaunes avait été soulevée dans l’émission politique Vesti, que le présentateur Dmitri Kisselev anime sur la première chaîne russe. Lui aussi voyait derrière les Gilets jaunes la main de l’étranger, américain cette fois.

À l’appui de son hypothèse, Kisselev invoquait le calendrier : le 6 novembre – onze jours avant la première journée de mobilisation –, le président français avait exprimé son souhait de voir émerger une véritable armée européenne capable d’assurer la sécurité du continent indépendamment de l’OTAN, annonce qui avait provoqué la colère de son homologue américain. Qui d’autre que Washington pouvait être derrière une mobilisation dont l’ampleur contrastait singulièrement avec la modicité de ce qui était censé l’avoir provoquée, une « microscopique augmentation du prix de l’essence », pour reprendre les termes du journaliste.

Conclusion : « Pensez ce que vous voulez, mais la première vague des émeutes liées au prix du carburant a balayé la France une semaine seulement après la déclaration de Macron sur la nécessité de créer une armée européenne ».

Dmitri Kisselev n’est pas n


Nicolas Balzamo

Historien, maître-assistant à l’université de Neuchâtel

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Gilets jaunes