Un paysage économique suspendu – Liban (1/2)
Plus rien ne permet de la célébrer aujourd’hui, ni la situation actuelle, ni ses effets limités entre temps : il y a cinq ans le Liban connaissait pourtant une vague de mobilisations pleine d’espoir – un événement à l’anniversaire impossible au moment où les activistes et sympathisant.e.s de l’époque sont lancés dans une course humanitaire contre la montre (du moins celles et ceux resté.e.s dans les dizaines de milliers d’émigré.e.s par an dont une majorité ont entre vingt-cinq et trente-cinq ans) ; au moment aussi où d’autres pans d’histoire, plus menaçants, ressurgissent dans le débat public libanais.
Une frontière était pourtant en train d’être franchie autour de ce 17 octobre 2019 : la moitié de la population n’avait désormais pas vécu ou était à peine née pendant les guerres de 1975-1992[1]. Pour les jeunes mobilisé.e.s alors, non seulement ces guerres n’appartenaient plus à un vécu direct, mais le souvenir des grands moments et de grandes mobilisations passées – retrait israélien en 2000, manifestations et retrait syrien en 2005 – appartenait à leurs parents. La précédente guerre de 2006 avec Israël était même lointaine pour un/e jeune autour de la vingtaine n’ayant jamais eu « sa » mobilisation.
Ce discret changement structurel[2] rencontrait le climat de ras-le-bol de l’époque, avec l’invention soudaine d’une taxe sur WhatsApp (le principal mode de communication dans le pays), dans la foulée d’un été de coupures de courant et feux de forêts scandaleux. La mémoire encore vive d’un précédent mouvement en 2015 (portant sur la gestion catastrophique des ordures), assortie de l’essor de nouvelles initiatives politiques dans la foulée, complétait ce paysage avec possibles.
Le passage était symbolique dans un pays où la mémoire de ces guerres est discutée depuis bientôt trente ans, avec des hommes politiques indéboulonnables dont l’ascension s’est faite dans et par la guerre. Personne il y a cinq ans n’aurait parié sur leur maintien jusqu’à aujourd’hui – peut-être à leur propre grande surprise ? – ni sur la seule disparition du plus jeune d’entre eux, Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah, le 27 septembre 2024. Tout comme personne n’aurait pu prédire que la crise économique ajoutée à cette crise politique n’aurait pas connu le début d’un semblant de règlement cinq ans plus tard.
Cet aspect générationnel était passé inaperçu à l’époque, et aujourd’hui le constat est lointain. Le Liban a retrouvé les pages sombres de la presse, et même en accéléré après 2019 (aux mobilisations se sont ajoutés la crise économique depuis 2020, l’explosion du port de Beyrouth d’août 2020, la guerre à bas bruit depuis octobre 2023, puis l’offensive actuelle), entrainant à force un essoufflement du discours alarmiste et compassionnel – d’autant plus quand il se mélange au discours sur Gaza lui-même exsangue. L’illusion qu’il n’y a plus rien à comprendre dans la sidération du moment se diffuse même dangereusement : l’emboîtement de ces événements finit par rendre le discours sur le Liban répétitif et flou, brouillant passé, présent et futur entre crises et guerres apparemment sans fin – d’autant plus quand la guerre actuelle semble appelée à durer.
Pourtant, il se passait quelque chose en 2019, et il se passe quelque chose aujourd’hui. De par l’écrasement géopolitique et guerrier subit et la logique d’humiliation qui s’y déploie, de par la tension qui se joue sur l’économie comme les structures sociales du pays, mais aussi parce que certaines crises bien plus récentes que les guerres de 75-92 sont en embuscade.
En arrière-plan de la guerre actuelle, la classe politique pourrait bien s’appuyer sur la situation pour faire redémarrer un système vicié, et réaffirmer l’absence d’État pour mieux en reprendre possession – le tout en profitant de l’impossibilité pour les activistes d’être à l’humanitaire et aux mouvements sociaux en même temps. En dehors du spectre d’une nouvelle guerre interne qui mettrait aux prises les partisans du Hezbollah à d’autres forces politiques, ou du poids des structures confessionnelles, d’autres éléments plus sociaux et économiques pourraient lourdement peser sur le pays.
Nier la crise pour la résoudre ? L’exception libanaise
Malgré la guerre en cours, la monnaie locale, la livre libanaise, ne bouge plus depuis l’été 2023, fixée à 90,000 livres pour un dollar (60 fois moins qu’avant 2019) après des années de fluctuation et dans ce pays où les deux monnaies ont longtemps été interchangeables. Les banques restent aussi ouvertes. Mieux, les titres de la dette libanaise ont repris de la valeur sur le marché international avec la guerre.
Encore plus que les États-Unis et leurs raisons géopolitiques, ce sont les investisseurs qui sont séduits par l’idée que le Hezbollah puisse sortir de l’équation, à un moment où les dettes impayées du Liban risquent de faire l’objet de contentieux pour obtenir leur remboursement (en mars 2025), et alors que le gouvernement cherchait ces derniers mois à convaincre le GAFI (Groupe d’action financière) de ne pas placer le Liban sur une liste grise de pays douteux à force d’économie du cash incontrôlée – économie qui représente désormais presque la moitié du PIB.
Jusque-là rien n’avait trop bougé, de manière sidérante. Parce que pays endetté en grande partie sur lui-même, ses propres banques et sa diaspora, la chute éventuelle du Liban au niveau financier n’a pas présenté un risque de débordement aussi élevé sur l’économie mondiale que dans d’autres cas de crises, à commencer par la Grèce ou l’Argentine. C’est ce qui avait valu au pays d’être une exception (saluée à l’époque) pendant la crise des subprimes en 2008. La crise a aussi, pour cette même raison, sa propre temporalité, sans être liée à des crises mondiales (crise asiatique de 1997 pour l’Argentine, subprimes 2008 pour la Grèce). Enfin, elle réserve une place inédite à la clé de voûte habituelle des systèmes monétaires et financiers d’un pays : la banque centrale
Par rapport à des crises liées à des décisions politiques et gouvernementales, celle du Liban serait à l’inverse partie de la banque centrale, cet acteur en forme d’assureur en dernier recours des systèmes bancaires, d’habitude silencieux et discret. L’ancien gouverneur Riad Salameh est rendu depuis seul responsable de la crise d’un système dont tout le monde profitait pourtant jusque-là (bizarrement sans chercher à l’interroger). L’enthousiasme débordant pour cette banque centrale avant 2019, avec ce discours hagiographique d’un gouverneur génial à la tête d’un îlot efficace d’État start-up, était-il est vrai facile à inverser.
Qualifié depuis par certains économistes de seul deuxième pays au monde à avoir jamais pu produire des dollars[3] en dehors des États-Unis avant crise (avec ses opérations libellées en dollars)[4], le Liban est passé de l’exception positive à l’anomalie incompréhensible et déviante. Un cas singulier des limites du capitalisme financiarisé contemporain, avec cette disjonction gigantesque entre finance et économie productive qui d’habitude est le fait d’endroits littéralement hors sol comme Dubaï ou Hong-Kong. Mais une finance en vase clôt et avec une population derrière : de sorte que la question n’est pas à qui, quand, et à quel point le Liban va rembourser sa dette internationale, mais quels libanais vont se payer entre eux.
Non seulement le PIB a diminué de moitié, le Liban en devenant l’un des pires cas de crise économique jamais enregistré, mais un autre exploit des élites libanaises depuis réside dans la gestion des solutions à la crise : le Liban est aujourd’hui dans une situation similaire à des pays ayant connu une restructuration drastique de la dette, sans avoir cependant amorcé l’ombre d’une décision politique pour commencer à réduire la crise. La situation du Liban est déjà similaire à celle de la Grèce une fois des décisions drastiques déjà prises, et sans guerre pour s’y ajouter.
Si la dimension politique de la non-élection d’un président et du maintien d’un gouvernement éternellement démissionnaire (depuis 2022) est manifeste – avec le Hezbollah souvent présenté comme le grand responsable – l’enjeu des futures décisions à prendre ne rendait pas la fiche de poste spécialement attrayante. La sociologie des hommes politiques, majoritairement aisés et vivant dans des gated communities, avec millionnaires et milliardaires notoires parmi eux, ne la rendait pas non plus urgente.
Pendant les guerres de 75-92, le secteur bancaire « substitut financier de l’ordre politique », était un lieu neutre où l’on pouvait continuer à faire des affaires et se rencontrer malgré des confessions et des affiliations politiques différentes. L’économie financiarisée du Liban des années 1990-2020 survolait pour sa part sans effort des lignes de partages politiques apparemment insurmontables. Cet accord tacite se sera donc prolongé pendant cinq longues années autour de l’idée de ne rien faire, laissant la crise évoluer apparemment seule, mais en l’orientant dans une certaine direction qui aujourd’hui pourrait bien bénéficier à certain.e.s plus que d’autres : le gouverneur Riad Salameh était peut-être un architecte à lui seul, mais collectivement la classe politique crée des situations d’une complexité et d’une perversité au moins aussi redoutable.
Cette politique d’indécision et de flottement aura été a posteriori une manière de gouverner, décision collégiale implicite maquillée sous les apparences de complexité du système et de haines personnelles – mais aussi d’absences institutionnelles. En fait de connaître deux absences dans l’exécutif, le Liban aura eu une forme de gouvernement fantôme menant une politique comme une prophétie auto-réalisatrice : comme le note un commentaire récent sur la situation, « la majorité de la classe dirigeante est persuadée que le modèle libanais a démontré sa résilience et pourra tenir jusqu’à l’apparition de nouvelles rentes, qui n’apparaissent pourtant ni soutenables ni réalistes ».
Parmi ces rentes, outre le tourisme saisonnier de la diaspora, ou un très hypothétique gisement d’hydrocarbures au large du pays à peine au début de son exploration préalable, figure la reconstruction en Syrie – précisément la reconstruction jamais venue en attendant laquelle ce gouverneur de la banque centrale Riad Salameh avait multiplié les « ingénieries financières » à l’origine de la crise.
Tristement, s’annonce aussi parmi ces rentes le retour de la reconstruction du Liban même, manière de forcer la réouverture d’un robinet de l’aide internationale qui s’était raréfié au minimum en attendant les réformes – après des années de milliards de projets de reconstruction et de corruption associée. Cette reconstruction commence déjà à être chiffrée au-delà des 10 milliards – et déjà avant la guerre de septembre le gouvernement avait présenté au FMI un chiffrage le plus généreux possible.
Alors même que plus personne n’est aujourd’hui en capacité de mobiliser contre ces plans de redressement, laissés à la critique de rares associations de déposants encore résistantes plutôt qu’à des mouvements politiques de masse, ils prennent aujourd’hui une forme concrète menaçante. En arrière-plan de la guerre, c’est sur différents volets de la résolution de cette crise que travaille le gouvernement depuis plusieurs mois, et la guerre justement pourrait bien être une divine surprise pour faire passer ces plans sans susciter de mobilisations, et relancer l’économie de rente sans rien réformer.
Le strict retour de la normalité bancaire
Cette réforme de fait a fini par redessiner une carte des conséquences de la crise : très riches qui le restent, et aujourd’hui gagnent leurs procès contre les banques, (rares) nouveaux riches qui ont pu émerger, très pauvres encore plus pauvres (dont la gestion est laissée aux organisations internationales) et classe moyenne en perdition – les uns et les autres parfois opportunément mobilisés contre le point zéro de l’échelle des défavorisés, les réfugiés syriens (dont la critique souvent nauséabonde aura de manière saisissante même circulé à gauche de l’échiquier politique ces derniers mois).
En fait d’un monde souvent uniquement décrit par ses communautés, opportunément dressées les unes contre les autres par les plus riches, le Liban est aussi un pays de classes sociales (où la négation de classes sociales n’ayant jamais été aussi inégalitaires protège efficacement le système confessionnel).
La seule politique mise en œuvre pendant ces cinq ans aura été celle de directives de la banque centrale permettant de récupérer des bribes d’argent – ici 150 $ dollars par mois à tel taux, ici 400 à un autre, etc – et d’entretenir une politique de l’attente et l’illusion de la récupération prochaine des fonds auprès des déposants. Un mince filet mensuel, conditionné en plus par les politiques internes de chaque banque, nécessitant une négociation permanente avec les banquiers.
Il y a quelques jours, la Banque Centrale a assoupli les conditions d’une de ces directives « compte tenu de la situation », pour permettre à plus de gens d’en profiter, pourtant c’est l’utilisation même de ces directives qui vaudrait dans le plan de restructuration le plus récent (août 2024) à ces usagers de ne pas faire partie des personnes éligibles pour récupérer une partie de leurs dépôts. Autrement dit, les petits avantages créés « en attendant » pourraient se retourner contre ceux n’ayant eu d’autres choix que d’en profiter.
Mais ce temps d’attente a de toute façon aussi eu de nets effets sur les perceptions de la réalité de cet argent, créant une habituation à cette disparition pour des déposants de toute façon perdus dans les technicités affichées de chaque décision potentielle (gagnerai-je 8 % ou 20 % ou 25 % de mon dépôt de 2019 ? En cinq, dix, quinze ans de récupération ?). Entre temps, la situation est devenue tellement difficile au quotidien que tout léger flux d’argent provenant d’une quelconque décision, quelle qu’elle soit, sera bienvenu, et la guerre actuelle risque d’en favoriser encore plus l’acceptabilité. Sans compter que la temporalité même de ces mesures (si elles sont mises en place), annoncées comme s’étalant sur des années, pourrait tout autant prolonger la léthargie des déposants.
Enfin, ces derniers mois, la livre désormais stabilisée, les banques ont aussi repris confiance. Et si elles ont fermé des succursales dans le pays et licencié du personnel entre-temps, aucune n’a fermé ses portes, fait rarissime avec une crise d’une telle ampleur. Elles l’ont fait en relançant leur fonctionnement d’avant-crise, avec le retour des « bons » déposants aux comptes à nouveau rémunérés par exemple (plutôt, par exemple, qu’une éventuelle relance de l’économie productive par des prêts à des entreprises) – face aux « mauvais » déposants, dont on essaie de récupérer l’argent, notamment celui de vieux prêts.
L’endettement privé au Liban – où un prêt à 200,000 dollars pouvait se rembourser à 2 000 avec la dévaluation – avait été un des mécanismes compensatoires au sein de la population permettant de voler les voleurs et de garder la face. Il était récemment dans le viseur d’un projet de loi, prévoyant des sommes plafonds excluant de fait ces petits prêts et se concentrant sur ceux plus massifs, voire contractés explicitement pour pouvoir profiter de cette dévaluation (comme une forme de dernier baroud corruptif) : la banque mondiale estime que les 2 500 plus grandes entreprises libanaises, largement aux mains de profils politiques, sont responsables de 53 % de ces prêts, avec un manque à gagner qui représente 1/3 des pertes totales des banques[5].
Mais pour l’heure, cette question fait l’objet, sans encadrement, de mesures discrétionnaires contre les petits, d’une politique interne aux banques consistant à pressurer les déposants pour qu’ils remboursement plus. Là encore, un petit mécanisme est retourné contre les usagers, en ignorant le grand mécanisme scandaleux.
Le temps est donc à faire « prévaloir l’intérêt des banques sur l’intérêt public ». Le mépris de classe – présent à un niveau invraisemblable chez des élites libanaises qui font souvent partie des 1 voire 0,1 % plus riches du pays voire du monde – a aussi repris court. Il s’est même naturellement diffusé à ces nouvelles élites censées incarner l’alternative mais peu intéressées par les questions économiques par rapport à l’attrait de la géopolitique d’ambassades.
La culpabilisation des anciens « gagnants » (la population libanaise qui a eu des comptes rémunérés pendant vingt ans), comme des perdants depuis (« même dans une situation pareille certain.e.s ont su tirer leur épingle du jeu, où étiez-vous? ») ne dérange pas grand monde. Pourtant reposer la question de la dette du Liban aujourd’hui comme si rien n’avait changé depuis 2019 consiste à se demander s’il faut faire refaire payer aux libanais pauvres et de la classe moyenne plus que ce qu’ils ont déjà payé ces cinq dernières années.
L’immobilier : dernier recours fragile
La guerre actuelle fait aussi frémir cet autre pilier de l’économie qu’est l’immobilier, élément cette fois plus ancré dans la dimension populaire et quotidienne du pays.
Le nombre de réfugiés a suscité peurs et rumeurs, et fait remonter à la surface des souvenirs des guerres de 75-92 et la crainte d’un afflux d’occupants illégaux et de vols – entrainant des démarches de vigilantisme et une forte méfiance. Une nouvelle agitation autour de questions d’insécurité déjà présentes depuis un moment : les vagues d’articles sur les faits divers et la criminalité, en fait faiblement en hausse comparés à leur psychose[6], montraient déjà une inquiétude. La sacralité de la propriété privée est d’autant plus importante aujourd’hui que l’immobilier est entre temps devenu le placement le plus sûr, remplaçant les banques, au point que le premier ministre l’évoque dans un discours et promette de « protéger les espaces publics et privés contre tout empiètement ».
Dans un pays où 75 % de la population est propriétaire de son logement, l’immobilier – traditionnellement moins une question sociale et politique de droit au logement qu’une garantie pratique essentielle pour les ménages en plus d’être un autre investissement spéculatif[7] – a gardé sa centralité. À la fois par les investisseurs qui ne voulaient plus rien déposer dans les banques, à la fois parce que les déjà propriétaires s’accrochent depuis à la valeur des biens comme à une ultime garantie, des biens qu’ils ne veulent ni vendre ni louer à un prix cassé (prolongeant d’autant une déconnexion offre/demande qui existe de longue date).
La crise de 2019 avait permis d’éponger des prêts devenus difficiles à rembourser pour s’offrir cette garantie, comme d’écouler une partie des invendus de plus en plus nombreux de ce marché boiteux, opportunément devenus valeur refuge pour sortir son argent des banques. Depuis, l’investissement dans les restaurants et bars est remonté en flèche à Beyrouth avec une économie du cash, jusqu’à l’absurdité d’avoir créé de nombreux nouveaux espaces dont plus grand monde ne peut venir profiter. Si les réfugiés ont déjà relancé l’hôtellerie (!), il est possible qu’ils contribuent aussi à la location de nombreux biens qui ne trouvaient pas preneur jusque-là, entre autres effets de cette guerre.
Reste que contrairement à l’imaginaire habituel accompagnant l’idée de réfugiés charrie (celle de camps de fortune notamment) ou à l’idée que ce serait avant tout la société civile qui fait face à cette situation, les mouvements de population au Liban mettent surtout en tension deux structures sociales majeures du pays : l’État et la famille.
Aujourd’hui, 50 % des déplacés se réfugient dans leurs familles[8]. La famille, corps social le plus silencieux et le plus élémentaire au Liban, est encore en première ligne. Elle a déjà été prise dans un processus d’atomisation grandissante du social ces dernières années (ce sont en grande partie à travers elles que les mécanismes compensatoires de la crise depuis 2019 ont circulé, à commencer par les envois d’argents de la diaspora)[9] : c’est aussi pour cette raison que des familles entières sont décimées d’un coup lorsque certains immeubles sont frappés par les Israéliens – la justification des frappes via l’accusation d’infiltration de militaires parmi les civils sans prendre en compte cet aspect sociologique est à ce titre un non-sens.
NDLR : la suite de cet article dans notre édition de demain.