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À l’ombre du génocide accompli – Rwanda 1994-1998

Journaliste

Malgré l’invitation de son homologue rwandais, Emmanuel Macron ne se rendra pas à Kigali le 7 avril pour le 25ème anniversaire de commémoration du génocide contre les Tutsis, génocide qui en 1994 avait fait près d’un million de morts en une centaine de jours. Alors en reportage dans la région, le journaliste Patrick de Saint-Exupéry constate les effets aussi concrets que terribles du négationnisme initié par le président François Mitterrand en introduisant, lors du sommet de Biarritz, la meurtrière et fallacieuse expression de « double génocide».

Nous sommes à la fin juillet 1994. Le gouvernement intérimaire rwandais, celui-là même qui a été constitué trois mois plus tôt, début avril, à l’ambassade de France de Kigali et qui vient de mener le génocide des Tutsi pendant cent jours, s’est réfugié au Zaïre. C’est une débâcle. Mais plutôt ordonnée.

La radio des mille collines – qui a encouragé l’extermination – est là. Les forces armées rwandaises aussi, qui ont passé la frontière avec armes (souvent), camions, voitures, bagages et uniformes. Elles ont accompagné les centaines de milliers de civils, plus d’un million, poussés sur les routes par les irréductibles du génocide.

Cette marée humaine qui déferle sur le Kivu au Zaïre est un bouclier pour les irréductibles, l’arme de la revanche à venir aussi. Pour ces extrémistes, l’exil marque un « revers », pas la fin de la guerre. J’interviewe à Goma, au Zaïre, le 27 juillet 1994, le général Augustin Bizimungu, chef d’état-major des FAR – ces forces armées rwandaises qui menèrent tout à la fois le génocide et la guerre contre le FPR (front patriotique rwandais) de Paul Kagamé. Reconnu coupable plus tard de crime de génocide et crime contre l’humanité par le TPIR et condamné à trente ans de prison, ce général ne reconnaît pas la défaite. En cet été 1994, il dit vouloir poursuivre la guerre, assène que le FPR « s’est incrusté au Rwanda » – « incrusté » ! comme on parlerait d’un kyste – et affirme que le FPR veut « exterminer tous les Hutu ».

Un revers, un simple revers, disais-je.

Les camps de réfugiés rwandais au Zaïre sont d’immenses chaudrons de haine. Les quelques Tutsi emportés dans la débâcle y sont assassinés à la nuit tombés, « débranchés » aussi des perfusions quand apparaitra le choléra.

L’appareil génocidaire un temps désorganisé s’y reconstitue. Les réserves de la Banque Nationale du Rwanda, (la BNR, la banque centrale du pays) sont transférées sur des comptes éparpillés à travers le monde, dont la BNP à l’agence de Courcelles à Paris. L’aide humanitaire