Cinéma

Jusqu’au photon – sur le cinéma de Man Ray

Critique

À l’occasion de la sortie en version restaurée de quatre courts-métrages de Man Ray, un retour sur l’expérience cinématographique du photographe surréaliste, prolongeant par cette pratique nouvelle ses propres réflexions sur la lumière, est l’occasion de comprendre comment il a fait de celle-ci, la lumière, l’actrice principale de son cinéma.

L’année 2024 célèbre non seulement le centenaire du surréalisme, à l’occasion duquel le Centre Pompidou organise une exposition fleuve, mais aussi les cent un ans de l’œuvre filmée de l’un de ses membres les plus illustres, Man Ray. Dans ce contexte, Potemkine ressort quatre de ses films en copie restaurée sur une musique de Sqürl, un groupe composé de Jim Jarmusch et Carter Logan.

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Le Retour à la raison (1923), Emak Bakia (1926), L’Étoile de mer (1928) et Les Mystères du château de Dé (1929) suivent le sillage des avant-gardes que le photographe fréquente (dadaïsme, surréalisme) et prolongent sa pratique de la photographie et de la peinture. Le nouvel art qu’expérimente Man Ray lui offre la possibilité de continuer ses réflexions sur la lumière. Jusqu’alors indexée à des formes fixes, la lumière se frotte à un art cinétique et donne naissance à un flot d’images novatrices.

Les films réalisés par Man Ray dans les années 1920 accompagnent le parcours des avant-gardes parisiennes et leurs scandales. La projection du Retour à la raison lors du gala dadaïste dit du Cœur à barbe en 1922 se conclut par une bagarre généralisée initiée par les surréalistes parisiens. Si le film improvisé la veille n’est pas le fauteur du trouble, il incarne la rupture à l’œuvre entre Tristan Tzara et le groupe parisien. À la fin de la décennie, L’Étoile de mer adapte un poème de Robert Desnos alors que ce dernier part en voyage et quitte momentanément les surréalistes parisiens. La projection du film au Studio des Ursulines s’inscrit dans les rituels surréalistes[1]. Émanant de groupes très soudés, le cinéma de Man Ray s’inscrit socialement au sein de pratiques communes.

Artiste omnicompétent, l’Américain Man Ray approche son domaine de prédilection, la photographie, de la même manière qu’il considère la peinture. En outre, il se prête aux différents exercices propres aux avant-gardes parisiennes à savoir les cadavres exquis, les collages ou les objets surréalistes. Ses essais ciné


[1] La salle de cinéma du cinquième arrondissement de Paris est un haut lieu de l’avant-garde cinématographique. Le film La Coquille et le clergyman de Germaine Dulac y provoque une bagarre générale. C’est aussi ici qu’on projette Un chien andalou de Luis Buñuel et Salvador Dalí pour la première fois.

[2] Le « débullage » tient de l’angle choisi pour fixer le pied de la caméra. Plutôt que d’ajuster la prise de vue aux lignes horizontales, l’opérateur préfère basculer en diagonale le pied. Souvent utilisé dans le cinéma horrifique pour créer un effet dérangeant, le débullage est un effet dramatique propre à la prise de vue.

[3] Par ailleurs, la poitrine d’Alice Prin dans Le Retour à la raison devient le lieu de projection d’une source lumineuse issue d’un procédé similaire.

[4] Patrick de Haas, Cinéma absolu. Avant-garde (1920-1930), Paris : Mettray, 2018, p. 356.

[5] Ibid.

[6] Jean-Michel Durafour, « Man Ray : voir le cinéma en peinture », Ligeia, n° 97-100, 2010, p. 67.

[7] Gaston Bachelard, Le Rationalisme appliqué, Paris : Presses universitaires de France, 1962.

Élias Hérody

Critique

Rayonnages

Cinéma Culture

Notes

[1] La salle de cinéma du cinquième arrondissement de Paris est un haut lieu de l’avant-garde cinématographique. Le film La Coquille et le clergyman de Germaine Dulac y provoque une bagarre générale. C’est aussi ici qu’on projette Un chien andalou de Luis Buñuel et Salvador Dalí pour la première fois.

[2] Le « débullage » tient de l’angle choisi pour fixer le pied de la caméra. Plutôt que d’ajuster la prise de vue aux lignes horizontales, l’opérateur préfère basculer en diagonale le pied. Souvent utilisé dans le cinéma horrifique pour créer un effet dérangeant, le débullage est un effet dramatique propre à la prise de vue.

[3] Par ailleurs, la poitrine d’Alice Prin dans Le Retour à la raison devient le lieu de projection d’une source lumineuse issue d’un procédé similaire.

[4] Patrick de Haas, Cinéma absolu. Avant-garde (1920-1930), Paris : Mettray, 2018, p. 356.

[5] Ibid.

[6] Jean-Michel Durafour, « Man Ray : voir le cinéma en peinture », Ligeia, n° 97-100, 2010, p. 67.

[7] Gaston Bachelard, Le Rationalisme appliqué, Paris : Presses universitaires de France, 1962.