Des cathédrales – sur Night Palace de Mount Eerie
Night Palace est un retour au « Mont Eerie » : son titre, le nombre de morceaux, la distorsion puissante qui ouvre la chanson inaugurale et éponyme, tout cela semble appartenir à l’œuvre, si je puis dire, « habituelle » de Phil Elverum. Le musicien, qui a d’abord œuvré sous le pseudonyme de The Microphones puis de Mount Eerie, constituait jusqu’en 2017 une œuvre faite de collages musicaux lo-fi réunissant chansons folk, expériences bruitistes et enregistrements de nature ; cette année-là cependant, tout change.
Sa compagne, l’autrice, dessinatrice et musicienne Geneviève Castrée, accouche d’une fille ; quelques mois plus tard, elle meurt d’un cancer. Les albums suivants de Mount Eerie feront le récit de ce deuil et de cette paternité vécue solitairement, la production complexe laissant place à des chansons dénudées, construites tout au plus sur quelques accords de guitare ou de piano, quelques discrètes percussions.

Les paroles, également, n’auront plus la valeur poétique un peu vague et abstraite qu’elles avaient par le passé : exit les descriptions envolées de plages et de forêts, les introspections brumeuses de sentiments emmêlés, place à une certaine objectivité descriptive, plate, littérale. Rien n’en témoigne mieux que la phrase inaugurale de A Crow Looked at Me, qui sera répétée tout au long de l’album : « Death is real » (« La mort est réelle »).
Un retour, on pourrait presque dire une reconquête – une reconquête du monde, mais surtout de soi-même. Elverum a toujours eu l’habitude de l’auto-citation et de l’auto-reprise. « Mount Eerie » est à la fois le nom d’un album de The Microphones, son premier grand projet musical, et celui par lequel il signe ses albums depuis 2005 ; son album culte de 2001, The Glow Pt. 2, porte dès son titre l’idée d’un projet qui s’étend entre les œuvres ; et Elverum s’est parfois amusé à reprendre ses propres motifs musicaux (une phrase, un arpège), les tirant de ses albums précédents pour les « coller » au milieu d’une