Politique

Petit bilan du Grand Débat National

Politiste

Dans l’attente des réponses concrètes d’Emmanuel Macron à la crise des « gilets jaunes », Édouard Philippe a présenté une première synthèse des contributions au Grand Débat National. Avec 16 000 cahiers de doléances, 1 932 881 contributions en ligne et 10 452 réunions d’initiatives locales, les Français s’en sont largement emparés. Toutefois, le débat promis a pris des airs de monologue et l’absence de hiérarchisation du flot de contributions invisibilise les propositions les plus plébiscitées et garantit au gouvernement de conserver la main sur ce qui en ressortira.

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Faisant face à un mouvement de contestation d’une ampleur inédite, dont la principale revendication est l’instauration d’un mécanisme de démocratie directe, le gouvernement a mis en place un Grand Débat National (GDN). Ce dernier venant de se terminer, il est temps d’en faire le bilan et de distinguer en trois catégories les nombreuses critiques dont ce Grand Débat a fait l’objet : son organisation, sa portée, et son usage politique.

La participation par monologues ou l’absence de débat

L’organisation du GDN a souffert de divers problèmes. Tout d’abord, la précipitation avec laquelle il a été lancé, ainsi que la mise à l’écart volontaire de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) par le gouvernement, frappent le processus d’un déficit en matière d’indépendance et de neutralité. Alors que ce débat aurait pu être conduit par une autorité administrative indépendante, dont c’est la mission depuis 20 ans, et qui avait accepté la tâche, le pouvoir a choisi de confier la gestion du GDN à deux ministres. L’exécutif voulait impliquer la présidente de la CNDP « à titre personnel » afin de ne pas avoir à respecter les principes rigoureux de la commission, qu’une saisine formelle de cette dernière aurait engendré. Les cinq garants, nommés mi-janvier, sont pour trois d’entre eux choisis par la majorité présidentielle, c’est-à-dire par le Premier ministre et le Président de l’Assemblée Nationale, les deux autres garants étant nommés par les Présidents du Sénat et du CESE. Ensuite, le calendrier du débat, loin d’être « grand », apparaît trop serré. Pense-t-on vraiment avoir le temps d’instaurer un dialogue et de faire émerger des solutions de qualité en seulement deux mois ?

De plus, le terme « débat » semble en réalité peu approprié. Le gouvernement a délibérément opté pour une plateforme internet sur laquelle tout débat est impossible. En effet, l’internaute peut seulement répondre à des questionnaires, fermés ou bien ouverts, qui cadrent et clôturent l’express


[1] Alain Brossat, « Le fait majoritaire à l’épreuve de l’intolérable », communication présentée au colloque Quelle(es) critique(s) pour la démocratie ?, 11-12 avril 2013, Rennes.

Dimitri Courant

Politiste, Doctorant à l’Université de Lausanne et à l’Université Paris 8

Notes

[1] Alain Brossat, « Le fait majoritaire à l’épreuve de l’intolérable », communication présentée au colloque Quelle(es) critique(s) pour la démocratie ?, 11-12 avril 2013, Rennes.