Bête de somme – sur Comme une mule de François Bégaudeau
Les universitaires sont pointilleux. La preuve, ils aiment les crochets. Le dernier essai de François Bégaudeau, Comme une mule, en produit la satire : « Quand Dutronc chante “toute ma vie j’ai rêvé d’être une hôtesse de l’air”, un universitaire le cite comme suit : Jacques Dutronc nous dit que “toute [sa] vie [il a] rêvé d’être une hôtesse de l’air”.» Un de ces plumitifs répondra que la règle permet d’éviter une aberration syntaxique, voire qu’il ne citerait pas la chanson de cette manière-là car ce serait opérer une confusion entre le « je » de l’énonciateur de la chanson et la personne réelle de Jacques Dutronc.

Il s’avère que le sujet de la dissociation entre l’œuvre et l’auteur est précisément un point mal défini de Comme une mule. Mais peu importe, la manie des crochets est un symptôme de « minutie universitaire », tare dont serait accablée l’historienne Ludivine Bantigny. Sauf que celle-ci, aveuglée par sa « hargne », manquerait en réalité de minutie, nous dit le texte.
Comme une mule articule sinuosité et coup de force langagier. Il affirme un style dominateur entretenant plusieurs points communs avec le masculinisme d’Éric Zemmour et l’ethos de Donald Trump. L’auteur se présente comme étant du côté des « faits », contrairement aux militants qui, selon les analyses opportunément résumées d’Elsa Deck Marsault[1], s’attaquent aux mots à défaut de s’attaquer à la chose : « L’initiative de LB a lieu sur Twitter, logosphère où des mots commentent des mots. Elle ne réagit pas à un acte, une attitude, une orientation pratique de la lutte, mais à un post ». Et si au contraire on faisait l’hypothèse qu’on ne sort guère du langage. Retournons celui du texte, et que de la terre vaine sorte quelques conclusions.
Le sens des crochets
Lorsqu’en 2020, Ludivine Bantigny a diffusé sur les réseaux sociaux la phrase que François Bégaudeau a publié à propos d’elle sur son site internet, elle l’a transposée à l’aide de crochets, tronquée. L’auteur de Comme une mule y v