Société

Comment expliquer notre difficulté à partager la rue ?

Urbaniste

La mort de Paul Varry, cycliste et militant pour la promotion du vélo, tué le 15 octobre par un conducteur de SUV, a relancé le débat sur le partage de la rue. Un retour sur l’histoire de l’aménagement urbain rappelle combien la « transition écomobile » nécessite de remettre en cause un modèle tout-automobile historique au profit d’une cohabitation de différents modes de transport, dont les besoins sont hétéroclites.

L’espace public n’a pas attendu la démocratisation du vélo puis de l’automobile pour être le terrain d’invectives entre les usagers et de réglementations de la part des autorités. L’organisation de la rue des époques antiques, médiévales puis modernes est pensée d’abord pour permettre des activités d’échange, mais la gestion de la circulation interroge déjà.

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Les vestiges de Pompéi rappellent que les trottoirs antiques séparent les piétons du reste de la circulation – composé de chars et de charrettes tirés par des humains ou des animaux – afin de faciliter les déplacements et limiter les accrochages. Dans la ville romaine, la présence de trottoir – qui doit aussi faciliter l’écoulement des eaux – ne garantit cependant pas la tranquillité aux promeneurs. Ces espaces latéraux à la chaussée centrale sont également occupés par les commerçants et divers mobiliers. Malgré des volontés politiques d’organiser cette partition de la rue, la circulation est à la fois chaotique et teintée d’inégalités. Dans Satires III rédigé vers 100 après Jésus-Christ, le poète romain Juvénal déplore : « Si une affaire l’appelle, le riche se fera porter à travers la foule […] il arrivera avant nous : à nous qui nous hâtons, le flot qui nous précède fait obstacle. »

Après la déprise urbaine du début du Moyen-Âge, les villes redécouvrent de nombreux problèmes déjà éprouvés par les autorités publiques au cours de l’Antiquité. Dans un contexte d’essor urbain à partir du XIIe siècle, les cités deviennent des lieux de foires et de marchés. De la qualité et de la gestion de leur rue et de leur place où se tiennent ses événements dépendent leur renommée. Les politiques de pavage des rues, la gestion de l’écoulement des eaux et les réflexions sur le partage de l’espace réapparaissent progressivement. Ces processus inscrits dans le temps long sont parfois accélérés par des événements soudains.

En 1131, le décès de l’héritier du roi Philippe de France, suite à une chute à cheval causé par un c


Clément Dusong

Urbaniste, Chercheur associé au Laboratoire Ville Mobilité Transport (LVMT) de l'Université Gustave Eiffel