écologie

Où va le blanc des villes lorsque la neige fond ?

Économiste et urbaniste

Dans les villes réchauffées par le changement climatique, la neige, qui était un sujet technique, devient un enjeu public, voire politique. Lorsque la neige devient glace, que le coût du déneigement augmente et que les finances municipales sont sous pression, qu’est-ce qui relève du public et du privé ? Au fond, que signifie aujourd’hui « bien déneiger » ? Plongée dans l’hiver québécois, brûlante illustration de ces enjeux.

Si toutes les villes du monde sont confrontées au réchauffement du climat, elles ne le sont pas toutes de la même manière, puisque les conséquences varient selon les géographies et les saisons. En revanche, dans toutes les villes réchauffées, des sujets auparavant techniques deviennent politiques, a fortiori lorsque les finances municipales sont sous tension. L’exemple du déneigement à Montréal offre ainsi une brûlante illustration des liens entre changement du climat, formes urbaines, modes de vie, et évolution de la ligne de partage public/privé dans la prise en charge des services urbains.

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L’hiver 2023-2024 fut le second hiver le plus chaud depuis qu’on mesure les températures au Québec (1871) au point que, début mars, les trottoirs de Montréal étaient sans neige, même si une dernière bordée les recouvrit mi-mars. Or, paradoxalement, le moins de neige se traduit par des coûts de déneigement plus importants, car le réchauffement climatique conduit à davantage de cycles de gel-dégel : l’eau se dilate lorsqu’elle gèle, de sorte que le gel, le dégel et la recongélation de l’eau peuvent, au fil du temps, causer d’importants dommages aux routes, bloquer les canalisations et rendre les trottoirs beaucoup plus glissants et dangereux. Le déneigement des rues est ainsi un sujet qui revient dans toutes les discussions, car il détermine le quotidien des habitants, pour se déplacer et aller d’un point à un autre, ou, tout simplement, pouvoir sortir, ou pas, de chez soi.

Un déneigement qui coûte de plus en plus cher à des collectivités financièrement contraintes

À Montréal, comme dans les autres villes québécoises, le déneigement relève de la municipalité. Le coût du déneigement y est très élevé et en forte augmentation. Son centre-ville est dense, il y a donc peu de place pour mettre la neige et il fait trop froid pour la laisser fondre, d’où le fait que la municipalité entreprend plusieurs fois par an des opérations complexes de déneigement, qui comprennent l’achem


[1] Voir le chapitre « La mission des municipalités change », dans Libérer les villes, de Maxime Pedneaud-Jobain, Editions XYZ, 2023. Maxime Pedneaud-Jobain est l’ancien maire de Gatineau, quatrième ville la plus « populeuse » du Québec, avec près de 300.000 habitants. Merci également à Laurent Chevrot directeur général de l’Agence de mobilité durable de Montréal, pour l’entretien qu’il nous a accordé.

[2] « Ensemble Montréal dénonce la nouvelle politique de déneigement », Le Devoir, 4 avril 2024.

[3] Nous empruntons cette formule à Laurence Bherer, professeure en science politique à l’Université de Montréal.

[4] Voir le chapitre « La mission des municipalités change », dans Libérer les villes, option citée.

[5] Cf. le podcast de « Géographie à la carte » sur France Culture : « Les trottoirs comme vous ne les avez jamais vus », 8 juin 2023.

[6] Citation attribuée, parait-il à tort, à Shakespeare.

[7] La question du déneigement de Montréal relève ainsi d’une problématique différente de celle de la baisse de l’enneigement des stations de ski en France, sur laquelle avait par exemple alerté en février 2024 le « rapport de la Cour des Comptes sur les stations de montagne face au changement climatique ». L’enjeu pour les stations est surtout touristique et économique – Cf. la question « Où est votre neige ? » posée par Alexandre Monnin dans Politiser le renoncement, éditions Divergences, 2023

[8] Le « Sneckdown », contraction de deux mots anglais : snowy (« enneigé ») et neckdown (« élargissement de trottoir »), illustre combien la neige donne à voir, au sens propre, les usages d’une ressource publique, en l’occurrence l’espace public (les zones qui restent enneigées montrent la place qui pourrait être récupérée pour d’autres usages que la circulation automobile). De la même manière, la neige constitue un formidable révélateur du partage public/privé des services urbains, en lien avec le climat et la culture d’un pays.

[9] Source : « Mon pays », de Gilles Vigneault, repr

Isabelle Baraud-Serfaty

Économiste et urbaniste , Fondatrice de ibicity, professeure à l'Ecole Urbaine de Sciences Po

Mots-clés

Climat

Notes

[1] Voir le chapitre « La mission des municipalités change », dans Libérer les villes, de Maxime Pedneaud-Jobain, Editions XYZ, 2023. Maxime Pedneaud-Jobain est l’ancien maire de Gatineau, quatrième ville la plus « populeuse » du Québec, avec près de 300.000 habitants. Merci également à Laurent Chevrot directeur général de l’Agence de mobilité durable de Montréal, pour l’entretien qu’il nous a accordé.

[2] « Ensemble Montréal dénonce la nouvelle politique de déneigement », Le Devoir, 4 avril 2024.

[3] Nous empruntons cette formule à Laurence Bherer, professeure en science politique à l’Université de Montréal.

[4] Voir le chapitre « La mission des municipalités change », dans Libérer les villes, option citée.

[5] Cf. le podcast de « Géographie à la carte » sur France Culture : « Les trottoirs comme vous ne les avez jamais vus », 8 juin 2023.

[6] Citation attribuée, parait-il à tort, à Shakespeare.

[7] La question du déneigement de Montréal relève ainsi d’une problématique différente de celle de la baisse de l’enneigement des stations de ski en France, sur laquelle avait par exemple alerté en février 2024 le « rapport de la Cour des Comptes sur les stations de montagne face au changement climatique ». L’enjeu pour les stations est surtout touristique et économique – Cf. la question « Où est votre neige ? » posée par Alexandre Monnin dans Politiser le renoncement, éditions Divergences, 2023

[8] Le « Sneckdown », contraction de deux mots anglais : snowy (« enneigé ») et neckdown (« élargissement de trottoir »), illustre combien la neige donne à voir, au sens propre, les usages d’une ressource publique, en l’occurrence l’espace public (les zones qui restent enneigées montrent la place qui pourrait être récupérée pour d’autres usages que la circulation automobile). De la même manière, la neige constitue un formidable révélateur du partage public/privé des services urbains, en lien avec le climat et la culture d’un pays.

[9] Source : « Mon pays », de Gilles Vigneault, repr