Comment les lobbyistes influençent-ils la loi ?
«Au total, j’ai fait rapporter 300 millions d’euros aux entreprises sur un an. Un amendement ! » racontait triomphalement cette lobbyiste d’une organisation patronale.
Si la satisfaction d’avoir accompli sa mission dans des conditions de travail délicates prime et que la sensation d’avoir contribué à l’intérêt général renforce ce sentiment d’allégresse, cette même professionnelle de la représentation s’interroge quant à son poids dans l’élaboration de la loi : « Quand vous savez que votre directeur n’a pas regardé l’amendement, que personne n’a validé l’amendement à la fin, que c’est vous qui l’avez écrit sur la base d’une idée qui était sortie en réunion, que vous avez fait tout le lobbying autour et que vous avez réussi à faire passer un amendement qui rapportait 300 millions d’euros aux entreprises françaises, vous vous dites : “je peux être fière”. Mais, par contre, c’est un sacré pouvoir, parce que du jour au lendemain j’aurais pu les faire perdre ces 300 millions d’euros. C’est une sacrée influence que l’on a[1]. »

Si cette question de l’influence d’un groupe social tirant les ficelles dans l’ombre est présente dans l’imaginaire collectif, nourri par les récits médiatiques et les discours politiques, les travaux en sciences humaines et sociales tendraient à montrer les professionnels de la représentation d’intérêts ont un rôle mineur dans la production normative. Les lobbyistes infléchissent rarement les grandes lignes d’une réforme. Seuls des mouvements sociaux d’ampleur ou l’avènement d’une crise (quelle que soit sa nature) paraissent pouvoir neutraliser la marche en avant d’un projet de loi à l’heure où le gouvernement s’est presque constitutionnellement vu confier un blanc-seing pour dérouler un programme grâce à la légitimité élective du chef de l’État[2].
L’intention des lobbyistes est plutôt de corriger les inclinaisons d’un texte de loi en en modifiant le contenu. Remanier des dispositions pouvant paraître marginales au regard de l’ambition p