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Le terrorisme passé au laboratoire des mots – sur l’Éducation occidentale de Boris Le Roy

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Dans L’Éducation Occidentale, impressionnant troisième roman, Boris Le Roy nous plonge dans les pensées d’Ona, agent scientifique de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime envoyée à Abuja, au Nigeria, pour soutenir et former la police scientifique locale. Les mots sont ses réflexions. Des mots souvent monocordes, des termes scientifiques. Des syllabes ou des phrases parfois paniquées. Les mots nous mènent tantôt dans son esprit, ses souvenirs, tantôt dans ses réflexions sur elle-même, sur sa vie, sur Boko Haram, sur le Nigeria ou l’occident.

À quoi pense-t-on lorsque l’on ramasse une tête arrachée de son corps ? Pense-t-on à son réveil, ou à ce que l’on a mangé au petit déjeuner, lorsqu’il faut l’emballer dans un sac en plastique? Sceller cette  « pièce à conviction ». Ou pense-t-on alors aux conseils de ses supérieurs ou de ses prédécesseurs pour analyser des cadavres putrides ou déchiquetés sur une scène de crime ? Comment recomposer sa pensée pour analyser des « viscères qui sortent d’un tronc coupé » ? Un « morceau de corps », une « large ouverture du plastron thoraco-abdominal » d’où l’on peut voir « les poumons, le cœur, et les gros vaisseaux oblitérés ». Il ne faut pas oublier de les noter. De les répertorier, en détails.

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Ils sont autant d’indices ou de preuves pour avoir une chance de comprendre l’incompréhensible : ce qui peut pousser une « jeune fille de 10 à 15 ans » à déclencher sa ceinture bourrée d’explosifs au milieu d’un marché en pleine matinée. De trouver les raisons qui mènent une adolescente à se faire exploser dans une foule, au nom d’une secte jihadiste dont on ne sait finalement pas grand chose, sauf le surnom que l’on lui a attribué. Boko Haram. « L’éducation occidentale est pêchée ».

Notre compréhension du réel peut-elle au moins tenter d’expliquer la réalité d’un ennemi qui s’est construit contre notre pensée ? Notre éducation occidentale est-elle finalement applicable ici, à l’autre bout du monde, au Nigeria, de l’autre côté de notre entendement ?

Dans L’Éducation Occidentale, son troisième roman publié chez Actes Sud, Boris Le Roy nous plonge dans les pensées d’Ona, agent scientifique de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime envoyée à Abuja, au Nigeria, pour soutenir et former la police scientifique locale. Lorsqu’Ona franchit ce bandeau « scène de crime », cette « scène d’attentat » pour être plus exact, dans ce marché d’Abuja, un matin comme un autre du mois de septembre, elle se met aussitôt à réfléchir à sa place dans la réalité du monde. Dans


Sophie Bouillon

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