Les maîtres et les pauvres gens – sur La Pie voleuse de Robert Guédiguian
Si Maria (Ariane Ascaride) a pour habitude de faucher quelques billets ou quelques chèques à ses patients, ses petits larcins sont moins estampillés « crimes » que le cambriolage ouvrant La Pie voleuse. Un magasin de musique, deux hommes cagoulés, un pied mal placé sur un tuyau, et voilà la pièce inondée, l’alarme déclenchée. Dans cette nouvelle mare, des documents et, surtout, des chèques, points de départ du film.

Ce crime opère d’emblée un décalage, nous fait reconsidérer, relativiser les agissements de Maria. Les deux sont pourtant liés : l’un des chèques est signé Moreau (Jean-Pierre Darroussin), ou plutôt il l’est de la main de Maria, son aide à domicile, qui s’est autorisée quelques libertés. Le dernier film de Robert Guédiguian vaut moins pour ses rocambolesques quiproquos (Laurent, le fils de Moreau, pense que la location est destinée à une ancienne maîtresse de son père) et ses passions fougueuses (le coup de foudre littéral entre Laurent et Jennifer, la fille de Maria) que pour l’étude morale d’un personnage, Maria, que l’on pourrait résumer ainsi : experte dans l’art de se soumettre aux maîtres, tout en récupérant sa part.
Par une ouverture à l’iris, une femme nous apparaît qui traîne son caddie dans les rues de L’Estaque (retour à ce quartier marseillais, après Les Neiges du Kilimandjaro en 2011). Dans tous ces nombreux plans où elle monte et descend les artères marseillaises ou saute d’un appartement à un autre, leur enchaînement donnant l’impression d’une continuité ininterrompue dans le travail, Maria ne laisse rien transparaître de son pénible labeur. Une fierté, discrète mais palpable, la caractérise.
Pourquoi voler ces pauvres vieux, parfois délaissés, dont elle s’occupe pourtant avec une dévotion totale (« Ça me fait plaisir d’aider les autres »), sans effusion ou contrition ? Pour que son petit-fils devienne un grand pianiste (location d’un piano « grâce » à la caution de Moreau, cours particuliers sur le prestigieux boulevard du Prado