Union européenne

Crise de l’Europe : une crise des vocations ?

Sociologue

La construction européenne suscite des carrières mais suscite-t-elle des vocations ? Un certain nombre d’enquêtes sociologiques montrent que les métiers de l’Europe séduisent davantage pour leur prestige et leurs avantages matériels et immatériels que par enthousiasme pour le projet européen. Il y a là, peut-être, un élément de compréhension de la crise de l’UE.

Une fois encore, les élections européennes n’ont pas particulièrement mobilisé les citoyens européens, en France notamment. Certes en augmentation par rapport à 2014, la participation au scrutin du 26 mai s’est élevée à 51%. Cette faible mobilisation est souvent rapportée à une forme de défiance à l’égard de l’Union européenne. Elle est souvent considérée comme lointaine et peu concrète.

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La distance des citoyens est redoublée par une « crise » interne à l’Union européenne, ce qui le Brexit ne fait que renforcer. L’Union européenne est en « crise ». C’est un constat unanime et récurrent. De nombreuses tentatives d’explication l’accompagnent. Elles évoquent tour à tour les « pannes de l’intégration européenne », « l’impasse » dans laquelle les chefs de gouvernement successifs se seraient enfermés, un « effet de fatigue » du processus d’élargissement européen, voire la « grande récession », « l’échec » ou le « déclin » de l’UE. Parmi les conséquences de cet état de crise devenu permanent, la « déprime des eurocrates » est évoquée [1]. Le projet européen serait devenu « démodé ». « L’Euro Bubble » aurait perdu de son intérêt et de son pouvoir d’attraction. De moins en moins de personnes, voire quasiment plus personne, y compris au sein des institutions européennes, « croiraient » encore au projet européen.

Pourtant, l’attractivité de l’Europe politique ne se dément pas. De nombreux jeunes souhaitent s’orienter vers les métiers qui se sont développés avec la construction européenne , et faire partie du monde des eurocrates : plusieurs milliers de personnes [2] font carrière dans les institutions européennes (fonctionnaire européen, assistant parlementaire au Parlement européen, etc.), ou en lien avec celles-ci (chargé de projet européen au sein d’une collectivité territoriale, représentant d’intérêt ou « lobbyiste » pour une entreprise ou une association, etc.), circulant d’un poste à un autre. Au local-national ou à Bruxelles, ces « insiders » ou « permanents


[1] Voir par exemple les textes de Jean Quatremer sur son blog Coulisses de Bruxelles : « Crise après crise, l’Europe fonce vers l’abîme », 1er janvier 2016 ; « L’UE dans toutes ses crises », 24 août 2016 ; « La grande déprime des eurocrates », 8 février 2013

[2] Le rapport « Bruxelles-Europe en chiffres 2016 » du Commissariat à l’Europe et aux organisations internationales évoque la présence à Bruxelles de : 6 institutions européennes (Parlement européen, Conseil européen, Conseil de l’Union européenne, Commission européenne, Comité économique et social européen, Comité des régions), 300 représentations régionales et locales (avec « des Länder allemands qui comptent jusqu’à 50 membres du personnel »), 42 organisations intergouvernementales, 5 400 diplomates, 20 000 lobbyistes. La « présence internationale génère environ 121 000 emplois, dont 81 000 directs et 40 000 indirects » (p. 38). Les institutions représentent un nombre élevé d’emplois directs liés à la présence des institutions européennes à Bruxelles (en 2014) : Parlement européen (6 324), Conseil de l’UE (3 049), Commission (25 192), Comité des régions (560), Comité économique et social (781), autres (3 819). À ces emplois, il convient d’ajouter un nombre important de stagiaires : « Les principales institutions prévoient de plus un total de 2 243 places (officielles) ». Le nombre d’agents au sein des groupes d’intérêt est toutefois à considérer avec prudence, voir Guillaume Courty, Le lobbying en France, Invention et normalisation d’une pratique politique, Bruxelles, Peter Lang, 2018.

[3] Un article de Reuters de 2008 évoque 290 000 candidatures pour 7049 postes entre 2003 et 2008 (soit un taux de réussite de 2,4%)

[4] Les élèves du Collège sont fortement sélectionnés au sein de leurs États d’origine au moyen d’un processus comprenant plusieurs étapes (dossier, entretien). Le Collège se distingue également par le coût de la scolarité (24 000 euros en 2017) ; les États ou des fondations proposent aux élèves

Sébastien Michon

Sociologue, Chercheur à l'Université de Strasbourg

Rayonnages

Union européenne

Notes

[1] Voir par exemple les textes de Jean Quatremer sur son blog Coulisses de Bruxelles : « Crise après crise, l’Europe fonce vers l’abîme », 1er janvier 2016 ; « L’UE dans toutes ses crises », 24 août 2016 ; « La grande déprime des eurocrates », 8 février 2013

[2] Le rapport « Bruxelles-Europe en chiffres 2016 » du Commissariat à l’Europe et aux organisations internationales évoque la présence à Bruxelles de : 6 institutions européennes (Parlement européen, Conseil européen, Conseil de l’Union européenne, Commission européenne, Comité économique et social européen, Comité des régions), 300 représentations régionales et locales (avec « des Länder allemands qui comptent jusqu’à 50 membres du personnel »), 42 organisations intergouvernementales, 5 400 diplomates, 20 000 lobbyistes. La « présence internationale génère environ 121 000 emplois, dont 81 000 directs et 40 000 indirects » (p. 38). Les institutions représentent un nombre élevé d’emplois directs liés à la présence des institutions européennes à Bruxelles (en 2014) : Parlement européen (6 324), Conseil de l’UE (3 049), Commission (25 192), Comité des régions (560), Comité économique et social (781), autres (3 819). À ces emplois, il convient d’ajouter un nombre important de stagiaires : « Les principales institutions prévoient de plus un total de 2 243 places (officielles) ». Le nombre d’agents au sein des groupes d’intérêt est toutefois à considérer avec prudence, voir Guillaume Courty, Le lobbying en France, Invention et normalisation d’une pratique politique, Bruxelles, Peter Lang, 2018.

[3] Un article de Reuters de 2008 évoque 290 000 candidatures pour 7049 postes entre 2003 et 2008 (soit un taux de réussite de 2,4%)

[4] Les élèves du Collège sont fortement sélectionnés au sein de leurs États d’origine au moyen d’un processus comprenant plusieurs étapes (dossier, entretien). Le Collège se distingue également par le coût de la scolarité (24 000 euros en 2017) ; les États ou des fondations proposent aux élèves