Littérature

La fin de la francophilie ? – sur la littérature francophone translingue « de l’Est »

Chercheuse en littérature

On connaît les écrivains d’Europe de l’Est, de Kundera à Kristeva, qui ont produit une œuvre en partie francophone, motivés en cela par une francophilie et un imaginaire associant à la langue française des valeurs culturelles et socio-politiques positives. Mais qu’en est-il des écrivains de l’Est francophones aujourd’hui ? Francophonie rime-t-elle toujours avec francophilie ?

L’Europe dite « de l’Est » est l’une des aires géographiques qui, au fil des époques, a produit un grand nombre d’auteurs et d’autrices francophones translingues, c’est-à-dire des écrivains pour lesquels le français est une langue seconde acquise tardivement et individuellement. Existe-t-il pour autant des caractéristiques spécifiques à la francophonie translingue « de l’Est » ? Y a-t-il un imaginaire particulier de la langue française, un discours ou une attitude envers celle-ci qui les distinguerait ?

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Les « autres » francophones

Un ouvrage collectif de 2014, dirigé par Catherine Mayaux et Joanna Nowicki, abordait les auteurs francophones d’Europe centrale et orientale sous l’étiquette – qui donnait son titre au volume – de L’Autre Francophonie (éd. Honoré Champion). La spécificité de cette francophonie, qualifiée d’« autre », par rapport à celle des écrivains issus des anciennes colonies françaises, résiderait précisément dans l’imaginaire de la langue. Selon les autrices, les écrivains d’Europe centrale et orientale sont, pour des raisons historiques, des francophiles adhérant sans grande conflictualité à des valeurs qu’ils associent inséparablement à la langue française et à la France : liberté, émancipation, défense des droits humains.

Ces valeurs sont également étroitement liées à une autre caractéristique de l’« Autre Francophonie » : elle est principalement constituée d’écrivains exilés pour des raisons politiques. Cependant, cet ouvrage s’appuie sur un corpus datant d’avant 1989. En effet, même les écrivains encore actifs au moment de la publication – tels que Kundera, Todorov, Kristeva ou Brina Svit, la plus jeune citée – avaient quitté l’Europe de l’Est avant la chute des régimes communistes. Par ailleurs, à l’exception de Kundera, les auteurs mentionnés ne peuvent pas être caractérisés comme des exilés politiques à proprement parler, leur départ étant souvent motivé par des choix individuels (études, émigration volontaire, mariage).

Ainsi, entr


Sara De Balsi

Chercheuse en littérature, Chercheuse associée à l’UMR Héritages : Culture/s, Patrimoine/s, Création/s (CY Cergy Paris Université)

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