Exposition

Danger imminent – sur « Apocalypse. Hier et demain » à la BNF

Critique

Le thème est colossal, et l’exposition à la Bibliothèque Nationale de France l’est tout autant : 2 000 ans d’histoire, des centaines d’œuvres, un texte fondateur de l’imaginaire occidental – L’Apocalypse de Jean, dernier livre du Nouveau Testament. Cinq commissaires, sous la direction de Jeanne Brun, ont ainsi tissé cette fresque dépliant les scenari catastrophe du destin humain, à travers une dialectique précise mêlant œuvres historiques et contemporaines.

Réécrivant d’emblée ce grand récit de manière contemporaine, Apocalypse s’ouvre sur un prélude signifiant : la séquence finale d’un film désormais devenu culte dans laquelle deux femmes et un enfant tentent de se protéger d’un danger imminent, à l’aide de bien minces branchages. Dans une atmosphère bleutée et orageuse, les larmes les plus désespérées, le désarroi le plus cru, et l’immense détresse s’emparent des trois personnages, tandis que la gigantesque planète de la mélancolie se rapproche de la Terre, jusqu’à la déflagration, le souffle le plus dévastateur emportant toute vie sur son passage.

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On peut suivre ici Bruno Latour qui, dans Face à Gaïa, analyse ce film de Lars Von Trier – Melancholia (2011) – comme un symptôme de premier plan des temps climatiques et cosmiques plus qu’incertains que nous traversons. Latour commente en ce sens : « Ce ne serait pas la Terre qui serait détruite en un dernier et sublime éclair apocalyptique par une planète errante, ce serait notre Globe, le global lui-même, notre idée idéale du Globe qui doit être détruite pour qu’une œuvre d’art, une esthétique émerge. À condition que vous acceptiez d’entendre dans le mot esthétique son ancien sens de capacité à percevoir et à être concerné[1]. » Peut-être est-ce le message de l’exposition, envoyé de manière subliminale dès le départ : comment nous sentir concerné.e.s ? Que ferons-nous lorsque la fin du monde, réellement et non dans un rêve, aura lieu ? Quel bruit fera donc le monde lorsqu’il s’écroulera ?

Une fois ces questions posées, entrons dans L’Apocalypse de Jean, ce texte prophétique et biblique, aux étapes narratives haletantes : s’ouvrant sur le personnage de l’agneau mystique, le livre nous transporte dans une aventure du chiffre 7, des sept sceaux aux sept trompettes, des sept anges aux sept cavaliers. Il nous mène ensuite, non moins tumultueusement, vers le combat de Michel contre le dragon, puis l’affrontement des deux bêtes, pour s’achever sur la chute de Babylon


[1] Bruno Latour, Face à Gaïa, Éditions La Découverte, Paris, 2015, p. 190.

[2] On renvoie ici à Georges Bataille, « L’Apocalypse de Saint Sever », publié dans la revue Documents, 1929. Dans l’exposition Apocalypse, à ce titre, on peut admirer le Beatus de Saint-Sever réalisé en 1060.

[3] Frédéric Boyer, « L’Apocalypse ou le présent comme nouveau venu », in Apocalypse. Hier et demain, catalogue sous la direction de Jeanne Brun, Bibliothèque nationale de France, 2025, p. 82.

[4] Ibid. p. 84.

[5] Georges Didi-huberman, « Par éclairs, par nuées et par révoltes ici-bas », in Apocalypse. Hier et demain, op. cit., p. 120.

[6] Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire », in Œuvres III, Folio Gallimard, 2000, p. 434.

[7] Ibid., p. 431.

[8] Günther Anders, cité in Apocalypse. Hier et demain, op. cit., p. 12.

[9] Jeanne Brun, « Voir venir », in Apocalypse. Hier et demain, op. cit., p. 13.

[10] L’une d’entre elles est assez puissante pour être citée : on renvoie à La grande conspiration affective de Romain Noël (Seuil, 2024), et plus précisément à son introduction « Entrées dans le Pathocène ».

Léa Bismuth

Critique

Notes

[1] Bruno Latour, Face à Gaïa, Éditions La Découverte, Paris, 2015, p. 190.

[2] On renvoie ici à Georges Bataille, « L’Apocalypse de Saint Sever », publié dans la revue Documents, 1929. Dans l’exposition Apocalypse, à ce titre, on peut admirer le Beatus de Saint-Sever réalisé en 1060.

[3] Frédéric Boyer, « L’Apocalypse ou le présent comme nouveau venu », in Apocalypse. Hier et demain, catalogue sous la direction de Jeanne Brun, Bibliothèque nationale de France, 2025, p. 82.

[4] Ibid. p. 84.

[5] Georges Didi-huberman, « Par éclairs, par nuées et par révoltes ici-bas », in Apocalypse. Hier et demain, op. cit., p. 120.

[6] Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire », in Œuvres III, Folio Gallimard, 2000, p. 434.

[7] Ibid., p. 431.

[8] Günther Anders, cité in Apocalypse. Hier et demain, op. cit., p. 12.

[9] Jeanne Brun, « Voir venir », in Apocalypse. Hier et demain, op. cit., p. 13.

[10] L’une d’entre elles est assez puissante pour être citée : on renvoie à La grande conspiration affective de Romain Noël (Seuil, 2024), et plus précisément à son introduction « Entrées dans le Pathocène ».