Stéphane Mallat : « C’est à nous de décider ce que nous voulons préserver ou déléguer à des ordinateurs. »
Face à la multiplication exponentielle des données numériques et aux enjeux industriels, sociétaux et scientifiques que représentent aujourd’hui l’analyse et le traitement de ces données, le Collège de France a décidé de créer une chaire de « Sciences des données », inaugurée en janvier et confiée à Stéphane Mallat. Professeur de mathématiques et d’informatique à l’École normale supérieure, il a d’abord consacré sa recherche aux mathématiques appliquées au traitement du signal et de l’image, avant de s’intéresser aux algorithmes d’apprentissage et aux réseaux de neurones profonds. Ses travaux ont contribué au développement de la théorie mathématique des ondelettes et à ses applications en traitement du signal, notamment pour le standard de compression d’images JPEG 2000. Naviguant de la recherche à l’entreprise (il a fondé une start-up en 2001), des États-Unis (où il a fait son doctorat) à la France (à l’École polytechnique puis à l’ENS), et du public au privé, Stéphane Mallat a toujours cherché à effacer les frontières entre théorie et pratique, recherche fondamentale et recherche appliquée.
Alors que le mathématicien (médaille Fields) et député LREM Cédric Villani a remis lundi vingt-et-une propositions pour améliorer l’enseignement des mathématiques à l’école, Stéphane Mallat évoque dans cet entretien la place croissante des mathématiques dans la société, de leur usage, de leur apprentissage, des liens entre mathématiques et intelligence artificielle.
Des mathématiques appliquées au traitement du signal et de la compression d’images aux sciences des données, votre parcours est fait d’allers-retours…
Oui, ma pratique des mathématiques appliquées est une forme de circulation dans cette boucle qui relie les applications à leur compréhension mathématique, qui en retour ouvre de nouvelles perspectives d’applications. J’ai commencé par un doctorat aux États-Unis où je me suis intéressé au traitement d’images, ce qui m’a amené à étudier la théorie naissante