Le sens d’un rêve
Il fait étrangement froid pour un début juillet. De sombres nuages stagnent dans le ciel d’un gris terne. « C’est trop tôt pour moi », murmure ma voisine. Désigne-t-elle juste l’heure matinale, la remarque qu’elle prononce à voix si basse que je dois lui faire répéter ? Je viens de m’assoir près d’elle dans le train qui démarre. La femme d’une soixantaine d’années tourne son visage vers la vitre, l’y tient collé. Longtemps scrute le paysage. Je devine dans son attention une inquiétude, ou un espoir démesuré. Quelle maladie, quelle intime catastrophe annonce-t-il, le discret tremblement qui menace sa main droite ? Elle le transforme en le maîtrisant en une discrète ondulation. Ses doigts assez fins sont soignés, qu’ornent des bagues étincelantes. Son élégance modeste, mais certaine, n’est-elle pas un dérisoire rempart à la maladie qui s’annonce, à ce qui viendra avec elle ? Sa fragilité, et la grâce un peu triste qu’elle confère à ses gestes, la retenue qu’on lui pressent, elle s’avancerait à leur pointe, avant de s’en remettre à un tressaillement plus définitif ? Il y a tant de choses qu’elle voudrait vivre encore, se dit-elle peut-être en voyant les masses obscures des arbres basculer une à une, puis s’évanouir et se fondre à mesure que le train prend de la vitesse.
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Les nombreuses scarifications qui recouvrent l’intérieur de leurs bras, de leurs cuisses, plutôt que de les cacher les deux très jeunes filles semblent les exhiber au contraire. Elles marchent vites, enlacées, au lieu de traverser l’esplanade en bas de la Tour Montparnasse aussitôt bifurquent, aussitôt disparaissent. Elles n’ont surgi que pour se laisser aspirer ? Elles ne veulent pas être au monde, ou seulement dans ce qui du monde violemment se dérobe, se soustrait dans un arrachement ?
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Le jour aujourd’hui est presque laiteux, blafard. Il y a quelque chose d’orageux dans l’air, mais d’un orage larvé, insidieux, qui n’éclatera pas, sans doute pas. Assis à une terrasse de la rue Oberkampf à Pari