Société

Surpopulation carcérale et construction de prisons : aux grands maux les faux remèdes

Sociologue

Depuis le milieu du XXe siècle, la population carcérale française n’a cessé de croître, battant de nouveaux records et alimentant une surpopulation des prisons à présent structurelle. Les projets de construction d’établissements pénitentiaires se succèdent pour tenter, sans succès, d’endiguer les différents maux dont la prison souffre. Il est temps de ne plus penser la construction pénitentiaire comme le principal paradigme de la politique pénale.

Dans la droite lignée des dernières décennies, le nombre de prisonniers que notre pays enferme a franchi en décembre 2024 un nouveau record en dépassant les 80000 détenus. On ne peut que déplorer la prévisibilité d’un tel cap, tant la population carcérale française suit, sur le long terme, une augmentation continue et régulière. Le dépassement de ce seuil est, semble-t-il, loin d’être l’occasion d’un débat sur le sens de la peine, le niveau de sanction de la justice française ou encore d’une prise en compte par le politique des effets contre-productifs d’un tel niveau d’incarcération.

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Didier Migaud, précédent garde des sceaux, expliquait ainsi le 19 novembre 2024 que les 15000 places de prison voulues par Emmanuel Macron dès 2017 ne seraient pas intégralement livrées à l’horizon 2027. Le ministère de la Justice réfléchissait alors en urgence à la réhabilitation de prisons initialement destinées à être désaffectées (à l’instar de la maison d’arrêt de Caen), d’hôtels et de centres d’accueil inutilisés, voire envisageait de construire des structures modulaires. Le garde des sceaux actuel, Gérald Darmanin, lui a emboîté le pas dès la fin décembre 2024, communiquant sur l’importance qu’a pour lui la construction de nouvelles places de prison, pour répondre à la surpopulation carcérale, ainsi que pour une exécution plus rapide des peines. En avril 2025, il annonçait la commande de prisons en préfabriqué pour construire plus rapidement et pour moins cher.

Cette situation, si elle permet de rappeler une fois de plus les conditions de détention maintes fois dénoncées par les associations de professionnels, certaines autorités de contrôle ou certains chercheurs, est surtout révélatrice de l’impasse que constitue la politique pénitentiaire des dernières années.

La surpopulation carcérale, une vieille histoire

Loin d’être un problème récent, la surpopulation des prisons est constitutive de la situation carcérale française. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale,


Nathan Rivet

Sociologue, Chercheur associé au Centre de sociologie des organisations (Centre national de la recherche scientifique et Sciences Po Paris)