Un lieu à soi – sur Here de Robert Zemeckis
Adapté du roman graphique Here de Richard McGuire paru en 2014, le vingt-deuxième long métrage de Robert Zemeckis a connu en France une vague d’admiration en dépit de sa sortie en salles confidentielle au mois de novembre 2024. À l’occasion de sa sortie en DVD et VOD , il était temps de rattraper ce film hybride et conceptuel, qui s’appuie sur l’emploi de l’intelligence artificielle.

Composé d’un unique cadre fixe qui observe la salle à manger d’une maison individuelle dans un quartier aisé d’une ville de Nouvelle-Angleterre, Here voit défiler les familles qui ont peuplé ce lieu. De l’espace et du temps réunis en un seul plan : ce pourrait être le projet d’une installation de Chantal Akerman mais Zemeckis injecte à la sobriété de ce projet le travail technologique à partir du deepfake, qui permet de créer le décor et de la faire évoluer au cours de siècles (environs de la Révolution américaine de la fin du XVIIIème siècle à nos jours, avec des incursions du côté d’un couple de natifs américains vivant dans la nature avant la colonisation ou même de dinosaures juste avant leur extinction).
Tout passera, nous murmure ce parti-pris qui replace l’histoire d’une famille à l’échelle de celle de la Terre. Le dispositif utilise la technologie dans ce qu’elle a de plus moderne, en conjurant le passage du temps : le de-aging permet à ses comédiens de rajeunir grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle et même d’inverser la courbe du temps, faisant de Paul Bettany, né en 1971, Al, le père et beau-père du couple central du récit joué par Tom Hanks et Robin Wrigth (Richard et Margaret), pourtant ses aînés. Depuis Forrest Gump (1994), le geste de Zemeckis consiste à injecter du numérique dans ses fictions pour en redéfinir le récit.
Archéologie du souvenir
Une séquence montre des hommes creusant les fondations de la bâtisse qui va successivement accueillir un passionné d’aviation, un inventeur hédoniste qui fera fortune, Rose et Al, puis leurs enfants Richard