Société

Police vs. État de droit

Philosophe

La révélation des pratiques policières brutales, tantôt illégales, tantôt aux marges du droit, ne suffit pas à contrarier celles-ci. L’institution policière fait primer l’idée implicite, pour normaliser le non-respect des règles, que c’est l’espace public des manifestations qui est une zone d’exception.

Il y a un an et demi, le Conseil d’État, alerté par l’« ampleur » des « cas de défaut[1] », enjoignait au ministère de l’Intérieur de faire respecter l’obligation légale du port de matricule individuel (RIO) pour les policier. Leur syndicat majoritaire, Alliance, s’est indigné devant ce qu’il perçoit comme une « décision stigmatisante pour les forces de sécurité intérieure[2] ». Il est d’abord ironique de relever que des policiers, comme cela transparaît parfois dans leurs pratiques, considèrent que l’injonction au respect de la loi cache en fait une volonté de stigmatiser.

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Mais le sujet de cet article est ailleurs : le même communiqué d’Alliance s’inquiète de l’hypothèse selon laquelle « l’administration, sous pression politique et associative […] souhaite appliquer » la décision du Conseil d’État. Si les sociologues savent depuis longtemps que « la déviance est consubstantielle à la police[3] », la réaction d’Alliance a ceci de remarquable qu’elle montre des policiers, dont la mission est « d’assurer […] le respect des lois[4] », assumer publiquement le fait qu’ils n’entendent pas laisser celles-ci leur dicter leur conduite. C’est le même message qu’affichent les très nombreux agents qui refusent le port du RIO[5]. Outre le fait qu’ils organisent ainsi leur propre impunité, ils expriment surtout clairement que le respect des lois est sans valeur pour eux.

L’institution ne les contredira pas : bien que le Conseil d’État ait exigé le 11 octobre 2023 que le ministère de l’Intérieur fasse porter les RIO et agrandisse leur format sous un délai d’un an[6], bien que Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur jusqu’en septembre 2024, affirme que « le rôle de la police et de la gendarmerie est d’appliquer les décisions de justice, pas de dire si le juge a eu raison ou non[7] », le ministère de l’Intérieur ne s’est toujours pas exécuté[8].

Que se passe-t-il ? Pourquoi la décision du Conseil d’État, cette « victoire exclusive des anti-flics et fomentée dans des antichambres où se pratique l’entre-soi[9] » (Alliance), n’a-t-elle toujours pas porté ses fruits ? Qu’est-ce qui autorise la police à considérer qu’elle peut aussi clairement revendiquer la transgression de la loi ?

Depuis le mouvement des « Gilets jaunes », les violences policières, qui restaient d’ordinaire principalement réservées à des groupes sociaux et des espaces méprisés par le débat public et par les grands médias, se sont révélées au grand jour, sur la place publique. Au sens propre, puisque des manifestant∙es étaient mutilé∙es sur les plus célèbres places des centres-villes. Et au sens figuré puisque, malgré un traitement médiatique qui reste encore trop souvent inexistant ou indécent, le problème des pratiques policières, brutales et illégales, s’est mis à préoccuper une part de plus en plus large du public. « Quand on voit le traitement médiatique qui est fait de nos actions, on comprend très bien qu’on a dû aussi nous mentir sur les banlieues ![10] », expliquait une gilet jaune, dont le mouvement dédiait d’ailleurs son « acte XII » aux blessé∙es et mutilé∙es victimes de violences policières.

La police aurait alors pu chercher à démentir les critiques qui la visaient, à donner des gages ou même à faire semblant. Mais elle créait, au début du printemps 2019, la Brav-M (Brigade de répression de l’action violente motoportée). De façon prévisible, le dispositif a immédiatement rappelé le peloton de voltigeurs motocyclistes (PVM), célèbre pour sa brutalité et pour le meurtre de Malik Oussekine en 1986. Par ce pouvoir d’évocation que les responsables politiques et policiers ne pouvaient pas ignorer, mais aussi par un ensemble de signes intimidants en tant que tels – motos, tenues noires, casques, cagoules… –, la Brav-M semblait conçue pour faire passer un message : la police serait dangereuse.

Ainsi, la brigade a fait l’objet de toutes les attentions depuis sa création, si bien qu’au printemps 2023, une pétition demandant sa suppression a recueilli, en moins de deux semaines, plus de deux cent soixante mille signatures[11]. Mais la Brav-M n’est pas la seule à incarner cette tendance policière à la violence démonstrative. Elle n’est que la représentante la plus célèbre d’un ensemble de dispositifs et de tactiques, qui semblent façonnées pour produire des effets spectaculaires et transgresser les règles en pleine lumière, c’est-à-dire notamment lors des manifestations, où la police commet ses méfaits au vu de tous∙tes et même devant les caméras. C’est d’ailleurs sur la base d’images disponibles sur internet que des journalistes ont découvert qu’entre 2019 et 2021, les agents de la Brav-M avaient fait un usage interdit de leurs grenades de désencerclement dans plus de 60% des cas[12], en les jetant en l’air alors qu’elles sont censées rouler au sol pour réduire les risques de mutilations et de blessures à la tête qu’elles peuvent produire lors de leurs explosions.

La tolérance institutionnelle à l’égard de la mise en danger des manifestant∙es se traduit dans les faits par les innombrables violences policières qui, comme le montrent les images et les enquêtes militantes, journalistiques ou judiciaires, outrepassent de manière souvent éclatante les critères d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité au-delà desquels l’emploi de la force par les agents est illégal[13]. Ces pratiques persistent, malgré l’activisme acharné des collectifs et des associations et le scrupuleux travail de quelques journalistes, qui ont parfois réussi, ces dernières années, à imposer le problème des violences policières dans le débat public. Comment comprendre que les pratiques brutales et illégales restent acceptables, du point de vue du pouvoir politique et aux yeux d’une partie du public, même lorsqu’elles sont manifestes et incontestables ? Comment se fait-il que celles et ceux qui réclament souvent avec le plus de force la stricte application de la loi restent si complaisant∙es face à ces transgressions ?

L’hypothèse de cet article est que la révélation et la documentation des pratiques policières liberticides et brutales, tantôt illégales, tantôt aux marges du droit, ne suffit pas toujours à contrarier l’institution car ces pratiques fonctionnent, dans une certaine mesure, de façon à se fournir elles-mêmes leur propre justification. Les dispositifs comme les nasses ou les brigades comme la Brav-M déploient, de façon implicite mais efficiente, le message selon lequel l’espace des manifestations et de la contestation démocratique est une zone d’exception, c’est-à-dire une zone où le non-respect des règles par les pouvoirs publics devient normal et légitime. La constitution de ces espaces en zones d’exception passe d’une part par des pratiques qui tendent à les réduire et les séparer, d’autre part par l’envoi de brigades aux allures de forces spéciales et enfin par des écarts assumés par rapport au droit.

La banalisation des interdictions tend à instaurer l’idée selon laquelle la revendication politique ne ferait pas partie des usages libres, « normaux » et classiques de l’espace public. La manifestation dans la rue peut parfois permettre à des groupes sociaux privés de capitaux de faire valoir leurs intérêts dans l’espace public, en essayant de rééquilibrer un rapport de force politique qui leur est trop défavorable. C’est pourquoi un régime aux prétentions démocratiques devrait s’assurer du fait que le recours à la rue pour porter des revendications politiques puisse être le plus habituel et le plus courant possible.

Les pratiques policières tendent pourtant à réduire toujours plus les régions de l’espace et du temps dans lesquelles peut s’exprimer la contestation démocratique. Il y a d’une part, en amont des manifestations, les mesures de police administrative, qui se sont multipliées ces dernières années, quitte à transgresser la loi[14]. Alors que l’interdiction d’une manifestation est censée rester exceptionnelle et n’être qu’un dernier recours, les préfectures interdisent à répétition. On a même vu, au printemps 2023, des préfets invoquer des périmètres de protection antiterroriste[15] pour empêcher le public d’exprimer son désaccord avec la politique menée par le gouvernement. Alors que la manifestation correspond à l’exercice d’un droit, la banalisation des interdictions tend à instaurer l’idée selon laquelle la revendication politique ne ferait pas partie des usages libres, « normaux » et classiques de l’espace public.

Il y a d’autre part toutes les pratiques policières sur le terrain. Outre les violences les plus spectaculaires, on observe de façon récurrente des dispositifs et des manœuvres qui tendent à contenir la contestation politique en certains lieux, certains temps et sous certaines modalités. « Le droit de manifester est un droit constitutionnel, reconnaissait Didier Lallement, mais [chacun] l’exercera avec un minimum de discipline[16] ». Ainsi, les manifestations spontanées (non déclarées) sont considérées comme illégitimes et souvent nassées ou dispersées dès que la police y parvient. La Cour de cassation a rappelé que la simple participation à de tels rassemblements correspond à l’exercice d’une liberté[17] mais les hauts responsables de la police ne l’entendent pas ainsi. « Les manifestations non déclarées sont des attroupements », déclarait Didier Lallement en mai 2019[18] (or, la présence dans un attroupement peut constituer un délit). Un peu plus tôt, il affirmait devant le Sénat que « dès lors que le cortège est déclaré, il faut le laisser s’écouler. Quand il ne l’est pas, il faut bien sûr engager une dissolution très rapide[19] ».

En 2023, c’est Gérald Darmanin qui affirmait qu’« être dans une manifestation non déclarée est un délit, mérite une interpellation ». Les gouvernants et responsables policiers, par les discours et par les actes, dépassent ici la loi et entendent traiter les manifestations spontanées comme si elles n’étaient pas légales, réduisant ainsi le champ des modalités selon lesquelles des revendications politiques peuvent être portées dans la rue.

La police vient donc tracer des frontières spatiales et temporelles qui délimitent l’espace ouvert à la contestation politique et tendent à le repousser vers les confins de l’espace public.

Ces dernières années, la police a aussi eu régulièrement recours à des dispositifs d’encerclement des cortèges : les policiers forment alors des lignes, des colonnes et des cordons, pour délimiter l’espace dédié à la manifestation[20]. Les manifestant∙es peuvent alors se voir interdire l’accès aux trottoirs – « parce que la manifestation n’est déclarée que sur la chaussée », justifiait un jour une commissaire en charge des opérations. On peut aussi mentionner une pratique policière interdite mais très courante : conditionner la sortie d’une manifestation au retrait de tout type d’insigne de revendication politique[21] (gilet jaune, gilet syndical, autocollants…).

La police exprime ainsi sa conception de l’espace public : un espace sans revendications politiques, sauf en des zones destinées à cet effet. Celles-ci sont aussi délimitées dans le temps : la police peut se montrer très stricte sur les horaires de fin de manifestation. Elle disperse parfois les rassemblements, jusqu’à chasser les manifestant∙es à coups de boucliers dans des bouches de métro[22], dès que l’heure indiquée sur la déclaration est passée. Dans une vidéo postée sur internet par la préfecture de police, une policière explique, après une manifestation sans incident, que « des instructions du commandement [ordonnent de] retourner au niveau de la place, car quelques manifestants récalcitrants ont du mal à quitter les lieux et veulent revenir sur place[23] ». Mais à quoi les personnes qui restent sont-elles « récalcitrantes » ? Quelle norme policière extralégale devrait leur imposer, par principe, de quitter les lieux ?

La police (au sens le plus large du terme) vient donc tracer des frontières spatiales et temporelles qui délimitent, séparent et réduisent l’espace ouvert à la contestation politique, et tendent à la repousser vers les confins de l’espace public. Il y aurait donc la rue dans ses usages normaux (déplacements, promenades, activités commerciales…) et dans ses usages extraordinaires (manifestations). Les derniers, pourtant inhérents à la vie démocratique, devraient relever de l’exception.

Séparé physiquement et symboliquement, renvoyé à l’anormal, l’espace de la contestation peut alors être traité comme un espace à normaliser, quitte à y employer des méthodes extraordinaires, à l’instar d’autres lieux renvoyés au lointain qui sont aussi, chacun selon ses modalités, objets de traitements politiques et policiers exceptionnels : prisons, banlieues, territoires d’outre-mer…

C’est ce que les pouvoirs publics laissent entendre en envoyant dans les manifestations des brigades constituées par des agents dont les équipements rappellent les codes esthétiques des forces spéciales. Ces unités de police, aux airs de brigades de choc, semblent façonnées pour produire des effets spectaculaires et signifient, par leur simple présence, qu’elles viennent répondre à des circonstances exceptionnelles.

Il en va ainsi de la CRS FAR[24], dite « CRS nouvelle génération ». Créée en 2021 avec la CRS 8, elle sème la peur dans les cortèges, les quartiers populaires et les territoires d’outre-mer. Un préfet déclare « qu’il faut [la] tenir “rênes courtes” car elle peut être assez incontrôlable[25] ». Ses agents, déjà impliqués dans plusieurs affaires de violences, « se comparent au RAID, alors qu’ils ne sont pas disciplinés et manquent de sang-froid[26] ». La présence de ces policiers aux casques format commando et aux visages systématiquement cagoulés (malgré l’interdiction[27]) évoque une situation qui sort de l’ordinaire. Un ancien responsable policier estime d’ailleurs que ce nouveau dispositif sert surtout à faire passer des messages : « [c’]est surtout un outil de communication du ministre Darmanin, qui a trouvé sa Brav-M avec les CRS 8[28] ».

Les agents des Brav-M portent aussi presque toujours des cagoules sous leurs casques de moto : « un moyen de dissuasion, expliquait le chercheur Christian Mouhanna, destiné à intimider, voire à susciter la crainte [car] ne pas pouvoir lire une expression sur le visage fait partie du rapport de force que l’on induit[29] ». Les agents de la Brav-M sont vêtus, non d’uniformes de policiers, mais de tenues de motard sombres sur lesquels la mention « police » apparaît discrètement. « Vu qu’on est habillé pratiquement tout en noir, explique l’un d’entre eux, ça fait une espèce de marée noire qui arrive, donc oui forcément c’est impressionnant, ça fait du bruit, on a tendance à remuer un petit peu la ville quoi[30] ».

La gendarmerie s’est elle-même dotée d’un dispositif à « effet choc », directement inspiré de la Brav-M : le PM2I[31]. Créé en 2019, ses agents se sont faits particulièrement remarquer en fonçant sur des quads à travers champ et en usant sans retenue de leurs lanceurs de grenades et de leurs LBD, lors de la manifestation de Sainte Soline en mars 2023[32]. La « grande force » de cette unité « particulièrement imposante et dissuasive », explique son commandant, « reste indéniablement son impact visuel auprès des manifestants ». Ceci confère un « effet choc qui permet souvent de prendre l’ascendant[33] ».

Outre ces brigades particulièrement remarquables, c’est un ensemble d’équipements et de pratiques, de la nasse à l’emploi d’armes mutilantes, qui fait passer le message selon lequel les pouvoirs publics se préparent à répondre à des situations d’exception lors des manifestations. Les écarts par rapport au droit pourront ainsi sembler tolérables.

Dans la tradition des « démocraties libérales », une suspension des principes de l’État de droit, censée faciliter la réponse des autorités face à une situation de crise, renvoie au registre de l’« état d’exception » : état d’urgence, pleins pouvoirs, loi martiale, état de siège… Le véritable état d’exception – officiel – requiert une déclaration dans les formes : par les personnes habilitées et dans les conditions prévues. Cette déclaration revêt alors un caractère « performatif[34] » au sens où le fait de déclarer l’état d’exception fait réellement advenir cet état, provoquant la suspension effective de certains droits et libertés. Normalement, c’est la qualification de la situation, comme exceptionnelle et menaçante pour la stabilité des institutions, qui motive la déclaration de l’état d’exception. Mais les choses peuvent s’inverser, si bien que déclarer l’état d’exception peut signifier et laisser croire que la situation est grave. Comme l’indique un rapport du Conseil d’État, « la déclaration d’état d’urgence permet à l’État, par son seul effet, de signifier son autorité et d’affirmer sa légitimité à intervenir[35] ».

Dans les manifestations, certains dispositifs policiers viennent introduire une ambiguïté : par le recours à des moyens extraordinaires et en s’autorisant, de façon manifeste, des écarts à la règle de droit, les pouvoirs publics semblent déclarer l’exception par leurs actes. Cette « déclaration » reste certes implicite, sans valeur légale. Mais elle installe une équivocité qui peut tromper, comme le ferait un faux, et propage l’idée selon laquelle l’anormalité de la situation rendrait normale la suspension de certaines règles. Dès lors, la répétition des images de violences policières, loin de nourrir le scandale, peut petit à petit habituer le public et lui laisser entendre que de telles interventions ne sont qu’un moindre mal, que la situation rend nécessaire. Cet imaginaire de « l’état de nécessité » habite aussi les représentations de certains hauts responsables policiers en charge des opérations lors des manifestations.

Le chef de la DII[36], service regroupant notamment les Brav-M et les compagnies d’intervention de la préfecture de police, est un commissaire célèbre pour des faits de violences[37], qui affichait pendant plusieurs années ses orientations politiques en portant, sur son casque, un drapeau français barré de la Thin blue line. Cet emblème, la ligne bleue, souvent mobilisé dans les rassemblements trumpistes et suprémacistes aux États-Unis, symbolise la police comme un dernier rempart pour préserver la collectivité face aux forces du crime et du chaos. C’est l’imaginaire d’une société en état de siège permanent mais protégée, selon les mots du site internet Thin blue line France, par des « forces de l’ordre qui marchent quotidiennement entre la vie et la mort ». Le danger serait donc exceptionnel à chaque coin de rue et la finesse (« thin ») de la ligne bleue indique que cette « frontière entre le bien et le mal[38] » risque de rompre.

Dans cette perspective, des écarts à la loi devraient être tolérés de la part de la police, pour ne pas brider les pouvoirs publics et les policiers dans leur mission. C’est peut-être la raison pour laquelle Jérôme Foucaud, chef de la DOPC[39] de 2019 à 2024 et à ce titre le plus haut responsable des opérations de maintien de l’ordre en région parisienne, s’inquiétait des recours portés, en justice ou devant l’inspection administrative, contre des agents soupçonnés de pratiques illégales lors des manifestations. Ceci conduirait, selon ses mots, à une « insécurisation juridique des forces de l’ordre » et constituerait un « élément de complexité supplémentaire » pour la police, « puisqu’évidemment ça insécurise les policiers, et les policiers avant d’agir réfléchissent maintenant » (!).

Cette responsabilité devant les tribunaux et l’inspection aurait « un peu inhibé les policiers dans leur action », et ce serait donc « plus compliqué ». Jérôme Foucaud considère d’ailleurs aussi que les propos racistes, sexistes et homophobes tenus par des policiers enregistrés en train de menacer, humilier et frapper un jeune manifestant interpellé ne sont que des « conneries » et des « bêtises », à juger à la lumière du contexte : « dans un salon, c’est facile de dire qu’il faut garder son calme, mais dans une action où c’est chaud » – ce qui n’était, en l’espèce, pas le cas – « c’est moins facile[40] ». La manifestation est donc conçue comme une zone dans laquelle certaines transgressions de la loi, graves en d’autres occasions, doivent être appréciées avec indulgence dès lors qu’elles sont commises par des agents de l’État, en première ligne face à la menace.

La tendance à la judiciarisation consiste à évaluer la réussite des opérations policières en fonction du nombre de personnes interpellées, plutôt que sur des critères d’ordre public.

Lorsque celle-ci est figurée sous les traits des « black bloc » et leurs « complices[41] » ou des « (éco)terroristes[42] », ce sont les manifestant∙es qui sont perçu∙es, désigné∙es, et éventuellement traité∙es d’après des représentations qui les rapprochent de celles de l’ennemi. Celui-ci (à la différence, par exemple, de l’adversaire), risque de ne jamais cesser d’être un danger et il faut donc le ou la mettre hors d’état de nuire de façon préventive : l’ennemi risque toujours de passer à l’attaque, sans préavis et sans raison. Dans le traitement de la contestation, la construction de cette figure se traduit sur le terrain par des écarts au droit, à travers d’une part des pratiques liberticides de judiciarisation et d’autre part une brutalité policière qui vient détruire les un∙es et terrifier les autres.

La tendance à la judiciarisation consiste, à l’occasion des manifestations, à évaluer la réussite des opérations policières en fonction du nombre de personnes interpellées, plutôt que sur des critères d’ordre public tels que l’apaisement des tensions, la protection des libertés et la sécurité des personnes. Elle conduit les policiers à considérer a priori les manifestant∙es comme des suspect∙es dont il faudrait neutraliser le danger. Les autorités les y encouragent : en 2019, le procureur de la République de Paris avait rédigé une note selon laquelle « les levées des gardes à vue doivent être privilégiées le samedi soir ou le dimanche matin afin d’éviter que les intéressés grossissent à nouveau les rangs des fauteurs de troubles ».

Ainsi, quoique présumé∙es innocent∙es, les « intéressés » sont présumé∙es dangereux∙ses et la doctrine parquetière-policière évoque ici celle du « droit de l’ennemi[43] ». Cette théorie juridique vise à décrire le « déclenchement de l’action pénale non plus pour des faits constatés, comme traditionnellement, mais pour des faits susceptibles d’être commis dans l’avenir, impliquant dès lors de se fonder sur la dangerosité supposée de la personne ciblée[44] ». Les stratégies et pratiques policières contemporaines, en manifestation ou dans d’autres espaces, semblent souvent appliquer une doctrine dérogatoire de ce type. Outre les pratiques de judiciarisation, il en va notamment ainsi du recours aux nasses – le « b.a.-ba du maintien de l’ordre » selon Didier Lallement[45] – qui consistent à retenir des groupes de manifestant∙es (et éventuellement des passant∙es pris au passage) dans des espaces encerclés par les forces de police, sans sortie possible, pendant parfois plusieurs heures. Ceci témoigne de cette présomption de dangerosité portée à l’encontre des publics concernés.

Ce sont aussi sans doute de telles conceptions qui ont conduit les autorités, lors de la manifestation contre les mégabassines à Sainte-Soline en mars 2023, à traiter les manifestant∙es comme des ennemi∙es. Elles ont notamment empêché, parfois pendant plusieurs heures et sans raison, que soient secouru∙es des blessé∙es graves. L’un d’entre eux, percuté à la tête par une grenade envoyée en tir tendu, avait été signalé en urgence vitale. Il avait été éloigné et gisait, inconscient, entouré de personnes qui s’affolaient de son état et tentaient en vain de faire venir les secours rapidement, au bord d’un chemin accessible, situé à plusieurs centaines de mètres de la zone où des affrontements avaient eu lieu, mais avaient entre temps complètement cessé[46]. En retardant l’intervention des services d’urgence, les autorités transgressaient même les règles qui doivent normalement s’appliquer en situation de conflit armé[47].

Mais l’« ennemi » étant par définition susceptible d’employer tous les moyens pour mettre en œuvre ses mauvaises intentions, elles peuvent conclure du caractère facultatif de ses droits : dans la doctrine du droit de l’ennemi, « la dangerosité de l’individu prime sur tout, il est l’ennemi de la société, il n’est plus un citoyen libre, il n’est plus un citoyen qui a la pleine jouissance de ses droits[48] ».

Emmanuel Macron considérait d’ailleurs que la manifestation de Sainte-Soline avait été le fait de « milliers de gens qui étaient simplement venus pour faire la guerre », et Gérald Darmanin qualifiait le mouvement d’« écoterrorisme »[49]. Or, comme l’indique le philosophe Jean-Claude Monod, auteur d’une étude sur la question, « le “terroriste” est bien la nouvelle figure générique de l’ennemi, un quasi-synonyme de l’ennemi[50] ». Le Conseil d’État rappelle quant à lui que la déclaration de l’état d’exception « s’accompagne souvent de l’utilisation du champ lexical de la guerre[51] ».

Dans les mouvements sociaux, la police emploie une panoplie toujours croissante d’armes qui évoquent des situations de guerre. Les LBD, lanceurs de grenades, et toutes les grenades lacrymogènes et explosives[52] peuvent mutiler, parfois tuer, et sont régulièrement la cause de blessures graves[53]. Elles conduisent aussi les policiers à accomplir, face aux publics qui protestent, les mêmes gestes que ceux de soldats face à l’ennemi (viser, tirer, dégoupiller…) avec des résultats qui souvent s’en rapprochent (mutiler, et parfois tuer).

Les manifestant∙es sont donc victimes de traitements d’exception légitimés, tant du point de vue de la police que de celui d’une partie du public, par la perspective selon laquelle se rendre dans des espaces de contestation constitués en zones d’exception, c’est renoncer tacitement à ses droits. Ainsi, après chaque affaire de violence policière qui trouve un écho dans le débat public, les partisans de la brutalité étatique utilisent les mêmes types d’arguments, visant à criminaliser les victimes pour les classer dans la catégorie de l’« ennemi », ou à dénoncer leur présence là où il ne fallait pas être. Geneviève Legay, manifestante grièvement blessée dans une charge policière illégale avait fait preuve, selon le président de la République, d’un manque de « sagesse[54] ».

Alors que l’État de droit admet que l’ordre soit sacrifié plutôt que le droit, l’idéal policier sacrifie le droit, en vertu d’une conception policière de l’ordre.

Les pratiques policières constituent donc l’exception dans les manifestations de trois manières. D’une part en séparant, symboliquement et physiquement, l’espace de la contestation. D’autre part en y appliquant des mesures d’exception. Enfin en présentant, grâce au pouvoir évocateur de telles mesures, les manifestations comme des zones exceptionnelles au regard des périls qu’il faut y vaincre. Les pouvoirs publics déclarent ainsi, officieusement et implicitement, une sorte d’état d’exception.

Dès lors, l’écart par rapport à la norme peut être assumé au grand jour, puisqu’il va ainsi alimenter un cercle de légitimation. Le recours à des moyens qui semblent suspendre les principes de l’État de droit vient laisser croire à une situation d’exception fondée sur la présence d’une menace. La représentation de cette situation vient justifier, en retour, le recours à ces moyens exceptionnels qui transgressent le droit. Ainsi se ferme la boucle argumentative ; c’est le caractère manifeste des transgressions qui permet de les normaliser.

Ceci produit au moins deux effets. Premièrement, introduire l’idée selon laquelle la revendication démocratique devrait relever de l’exception et instaurer ainsi, petit à petit, une culture antidémocratique : celle où tous les problèmes politiques seraient abandonnés au soin des gouvernants. Deuxièmement, la constitution de ces espaces d’exception, dans les manifestations comme dans lesdits « quartiers de reconquête républicaine », les territoires d’outre-mer ou encore les prisons, rongent progressivement l’État de droit, en multipliant les zones où ses principes pourraient légitimement ne pas s’appliquer. Elle laisse croire que le maintien de l’ordre public exigerait, face aux périls qui le menacent, que des écarts à la norme soient permis.

Notons d’une part que ces périls sont fantasmés. L’idée selon laquelle les violences en manifestation auraient acquis un caractère exceptionnel au cours des dernières années est démentie par les études[55]. Notons d’autre part que les stratégies policières de brutalisation mises en œuvre dans les manifestations au cours des dernières années ont pour résultat l’escalade des tensions plutôt que la pacification de l’espace public[56]. Enfin, même s’il en était autrement, le maintien de l’ordre public ne devrait pas pour autant primer sur la sauvegarde de l’État de droit.

Mais ce dernier est à la fois attaqué par l’accumulation des lois « sécuritaires » et par les discours publics, qui tendent à présenter ses principes comme des nuisances pour l’action publique, ou qui vident la notion de tout son sens en la mobilisant à contre-emploi. C’est ce que font les responsables politiques que l’on entend souvent déclarer que la plus stricte application des lois les plus liberticides reviendrait à protéger « le droit », et donc l’« État de droit ». C’est en ce (non-)sens que la notion est invoquée, par exemple, pour justifier ou exiger une répression toujours plus forte contre des actions de désobéissance civile ou des mouvements de révolte. Ceci revient à occulter le fait que l’État de droit est un principe de subordination des pouvoirs publics aux règles de droit. De telles confusions consistent finalement à assimiler l’État de droit à son contraire : l’état de police, idéal d’un État où le pouvoir exécutif peut « faire la loi »[57] et l’imposer avec autorité. Alors que l’État de droit admet que l’ordre soit sacrifié plutôt que le droit, l’idéal policier sacrifie le droit, en vertu d’une conception policière de l’ordre.

L’ordre public conçu comme ordre policier est l’idéal vers lequel tendent de nombreuses pratiques de la police française. Celles-ci expriment et renforcent ainsi la dynamique plus large qui rassemble à tous niveaux les « extrêmes centres[58] » et les extrêmes droites, visant à accroître les prérogatives des pouvoirs exécutifs en les soustrayant au droit. « Qui sauve son pays ne viole aucune loi[59] », déclarait Donald Trump peu après le début de son second mandat, dans la pure logique de l’exceptionnalité : invoquer un péril pour revendiquer des pouvoirs discrétionnaires.

Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, affirmait quant à lui en septembre dernier que l’Etat de droit n’est pas intangible[60]. Il est aussi l’un des grands artisans de la construction du « narcotrafiquant » comme nouvelle figure de l’ennemi, pour incarner une menace et motiver un nouvel accroissement des pouvoirs policiers, comme le prévoit la proposition de loi dite « narcotrafic », qui « vise à renforcer largement [un] régime juridique d’exception » et « suscite de graves inquiétudes quant à l’atteinte aux droits et libertés fondamentales[61] ».

Cette dynamique antidémocratique – puisqu’elle vise à concentrer les pouvoirs au lieu de les partager – est l’un des périls actuels contre lesquels une mobilisation militante exceptionnelle est nécessaire. Les recours en justice doivent sans doute être multipliés, puisque Jérôme Foucaud admet lui-même qu’ils ajoutent un « élément de complexité supplémentaire » pour le pouvoir policier. La lutte prend aussi d’innombrables autres formes, tissées de convergences, de divergences et même de conflits. Mais face à la menace fasciste, elles constituent de fait une sorte de front de résistance, qu’il faut venir renforcer en combattant par tous moyens l’idée selon laquelle il pourrait exister des espaces d’exception, où la domination et l’arbitraire seraient normalité.

NDLR : Lucas Levy-Lajeunesse a publié en 2025 La police contre la démocratie. Politiques de la Brav-M, aux éditions Textuel.


[1] Conseil d’État, décision n° 467771.

[2] Tract du bureau national d’Alliance Police nationale, le 15 novembre 2024.

[3] Comme l’écrivent Fabien Jobard et Jacques de Maillard, Sociologie de la police. Politiques, organisations, réformes, Armand Colin, Paris, 2015, p.142.

[4] Code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale (Code de la sécurité intérieure, art. R434-2).

[5] Lire à ce propos le « point droit » de l’Observatoire parisien des libertés publiques, « Obligation de port du matricule (RIO) », 2024.

[6] Conseil d’État, décision n° 467771.

[7] Propos tenus à l’occasion d’une audition devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, le 5 avril 2023.

[8] Un recours en exécution a été déposé devant le Conseil d’État. Lire le communiqué de la Ligue des droits de l’Homme, de l’ACAT-France, du Syndicat des avocats de France et du Syndicat de la magistrature, « RIO : la lisibilité du numéro n’est pas une option, c’est une garantie démocratique », 15 octobre 2024.

[9] Tract du bureau national d’Alliance Police nationale, le 11 octobre 2023.

[10] Propos recueilli le 8 décembre 2018 par Perrine Poupin, cité dans « “On est plus chaud ! Plus chaud ! Plus chaud qu’le lacrymo !” L’expérience des violences policières dans le mouvement des Gilets jaunes », Sociologie et sociétés, vol. 51, n° 1-2, 2019.

[11] « Pétition pour la dissolution de la Brav-M » mise en ligne le 23 mars 2023 sur le site internet de l’Assemblée nationale et classée le 5 avril 2023 en commission des lois, par décision des députés des groupes Renaissance, LR et RN.

[12] Sébastien Bourdon, Emile Costard et Antoine Schirer, « 2016-2021. Cinq ans de manifestations disséquées : comment les forces de l’ordre usent des grenades au mépris des règles », Mediapart, 5 juillet 2021.

[13] Code de la sécurité intérieure, L435-1 et R434-18.

[14] Les arrêtés d’interdiction de manifester attaqués en justice par les associations sont régulièrement suspendus par les tribunaux administratifs.

[15] Illégaux d’après une décision du tribunal administratif de Montpellier de février 2025. Lire Jérôme Hourdeaux, « « Casserolades » : le juge administratif confirme l’illégalité des périmètres d’interdiction », Mediapart, le 4 février 2025.

[16] Propos tenus en conférence de presse le 16 novembre 2019.

[17] « Aucune autre disposition légale ou réglementaire n’incrimine le seul fait de participer à une manifestation non déclarée », Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 juin 2022, 21-82.451, et 14 juin 2022, 21-81.054. Lire « Manifester n’est pas une infraction : c’est l’exercice d’une liberté ! », « Point droit » de l’Observatoire parisien des libertés publique, 2022. Consultable en ligne.

[18] 20 Minutes avec AFP, « « Gilets jaunes », acte 28 : Le préfet de police de Paris déplore les appels aux manifestations non déclarées », 20 Minutes, 25 mai 2019.

[19] Propos tenus devant la commission des lois du Sénat, le 3 avril 2019. Retranscrits dans le compte-rendu.

[20] Observatoire parisien des libertés publiques, « Contrôler, réprimer, intimider. Nasses et autres dispositifs d’encerclement policier lors des manifestations parisiennes, Printemps 2019 – Automne 2020 », 2020-2021.

[21] Lire « Badges – autocollants : Illégalité de la demande de retrait pour sortir de manifestation », « Point droit » de l’Observatoire parisien des libertés publiques 2021.

[22] Voir par exemple Observatoire parisien des libertés publiques, « Escalade des violences et opération de communication, la stratégie de la Préfecture de police de Paris pour le 1er mai 2023 », 2023, pp.22-23 et 46-48.

[23] Préfecture de Police, « BRAV-M : Au cœur d’un dispositif de maintien de l’ordre ! (Manifestation, entraînement et moto !) », vidéo postée sur le compte YouTube @prefecturedepolice, 18 février 2022. Je souligne.

[24] CRS force d’appui rapide

[25] Pascale Pascariello, « La CRS 8, l’unité “va-t-en-guerre” de Gérald Darmanin, est visée par une enquête judiciaire », Mediapart, 23 mai 2023.

[26] Ibid.

[27] Schéma national du maintien de l’ordre, 2.7.2.

[28] Pascale Pascariello, « La CRS 8, l’unité “va-t-en-guerre” de Gérald Darmanin, est visée par une enquête judiciaire », Mediapart, 23 mai 2023.

[29] Éric Pelletier, « Policiers encagoulés : “Il y a un risque de déshumanisation” », Entretien avec Christian Mouhanna, Le Parisien, 3 avril 2017.

[30] Propos tenus dans le reportage « Brav-M, brigade de choc en première ligne », « Enquête d’action », W9, réalisé par Maxime de la Houplière, première diffusion le 22 septembre 2023. Visionnable en centre INA.

[31] Peloton motorisé d’interception et d’interpellation

[32] Observatoires des libertés publiques et des pratiques policières, Ligue des droits de l’Homme et Syndicat des avocats de France, « Sainte-Soline 24-26 mars 2023. Empêcher l’accès à la bassine quel qu’en soit le coût humain », publié le 10 juillet 2023. Consultable en ligne.

[33] Propos tenus dans la Revue de la gendarmerie nationale, n° 267, juin 2020. Je souligne.

[34] D’après la classification du philosophie John Austin.

[35] Conseil d’État, Les états d’urgence : la démocratie sous contraintes, 2021, p.79

[36] Division d’information et d’intervention de la DOPC.

[37]

[38] https://www.thinbluelinefrance.com/a-propos/, consulté le 26/02/2025.

[39] Direction de l’ordre public et de la circulation.

[40] Propos tenus par Jérôme Foucaud, alors chef de la DOPC, à l’occasion d’une conférence donnée le 14 février 2024 à l’Institut libre des relations internationales et des sciences politiques (ILERI). Consultable en ligne sur le compte YouTube de l’ILERI.

[41] « Il faut maintenant dire que lorsqu’on va dans des manifestations violentes, on est complice du pire », affirmait Emmanuel Macron le 26 février 2019.

[42] Expression employée par Gérald Darmanin à propos des actions des militant∙es anti mégabassines. Par exemple, le 2 novembre 2022, sur BFMTV : « Je crois qu’il n’y a pas d’autres mots que des gens qui veulent par la violence, par la terreur et donc par le terrorisme empêcher l’État de droit de fonctionner, et les agriculteurs du fruit de leur travail, n’ayons pas peur des mots. […] Il y a eu effectivement un certain nombre d’actes qui s’apparentent à de l’écoterrorisme »

[43] Doctrine théorisée par Günther Jakobs.

[44] Observatoire parisien des libertés publiques, « La nasse, une pratique policière révélatrice d’une doctrine désignant les manifestant∙es comme ennemi∙es », dans « Nasses et autres dispositifs d’encerclement… », déjà cité, partie IV, 2021, p.6

[45] Didier Lallement, L’Ordre nécessaire, Robert Laffont, Paris, 2022, p.87.

[46] Observatoires des libertés publiques et des pratiques policières, Ligue des droits de l’Homme et Syndicat des avocats de France, « Sainte-Soline 24-26 mars 2023. Empêcher l’accès à la bassine quel qu’en soit le coût humain », 2023, pp.111-120 et 151-164.

[47] Ibid., pp.111-112.

[48] Günther Jakobs, cité dans Observatoire parisien des libertés publiques, « La nasse, une pratique policière révélatrice d’une doctrine désignant les manifestant∙es comme ennemi∙es », déjà cité, p.6.

[49] Pour une analyse de ces propos, voir Observatoires des libertés publiques et des pratiques policières, « Sainte-Soline 24-26 mars 2023. Empêcher l’accès à la bassine quel qu’en soit le coût humain », déjà cité, pp.9-16 et 132-134.

[50] Jean-Claude Monod, Penser l’ennemi, affronter l’exception, La Découverte, Paris, 2016, pp.155-156

[51] Conseil d’État, Les états d’urgence : la démocratie sous contraintes, 2021, p.79-80

[52] Pour plus de précisions sur l’armement des forces de police française, on consultera par exemple en ligne les travaux du collectif Désarmons-les (desarmons.net) ou ceux du journaliste Maxime Sirvins (maintiendelordre.fr). Lire aussi Paul Rocher, Gazer, mutiler, soumettre. Politique de l’arme non létale, La Fabrique, Paris, 2020.

[53] Voir par exemple les décomptes du journaliste David Dufresne et son équipe d’« Allô Place Beauvau » entre 2018 et 2022.

[54] Selon le mot employé par Emmanuel Macron à propos de Geneviève Legay, grièvement blessée dans une charge policière illégale en 2019 à Nice.

[55] Un rapport du Défenseur des droits indique que « ce discours sur une évolution permanente de l’escalade de la violence lors des manifestations a toujours existé, et ce même si le phénomène ne se vérifie pas statistiquement […]. Il correspond à une perception largement partagée au sein de la police qui alimente des revendications récurrentes autour de la dotation en équipements ». Défenseur des droits, « Désescalade de la violence et gestion des foules protestataires : Quelle(s) articulation(s) en France et en Europe aujourd’hui ? », 2021, p. 115. Voir aussi la synthèse établie à ce sujet dans le rapport « Maintien de l’ordre, à quel prix ? Enquête sur les évolutions des pratiques de maintien de l’ordre et leurs incidences sur les libertés », ACAT-France, pp. 52 à 57. Consultable en ligne.

[56] Lire à ce sujet les travaux des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières.

[57] De ce point de vue, tout compétence législative du gouvernement (pouvoir exécutif) est déjà une menace contre l’État de droit.

[58] D’après le concept de Pierre Serna. Lire par exemple Dominique Bourg, « Emmanuel Macron : de l’extrême-centre à l’extrême-droite », AOC, 29 janvier 2024, ou Ariane Ferrand, « L’“extrême centre” est un extrêmisme qui peut mener à l’autoritarisme », Le Monde, 15 janvier 2025.

[59] « He who saves his Country does not violate any Law », message posté sur le compte X de Donald Trump le 15 février 2015.

[60] Lire le communiqué commun à l’initiative de la LDH, « Pour une démocratie pleine et entière, défendons l’État de droit ! », 10 octobre 2024.

[61] Communiqué de la Ligue des droits de l’Homme et autres organisations membres de l’Observatoire des libertés et du numérique, « PPL Narcotrafic : les droits et libertés à nouveau victimes de l’addiction aux lois sécuritaires », 28 janvier 2025.

Lucas Lévy-Lajeunesse

Philosophe, professeur de philosophie en Seine-Saint-Denis, membre de l’Observatoire parisien des libertés publiques

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Notes

[1] Conseil d’État, décision n° 467771.

[2] Tract du bureau national d’Alliance Police nationale, le 15 novembre 2024.

[3] Comme l’écrivent Fabien Jobard et Jacques de Maillard, Sociologie de la police. Politiques, organisations, réformes, Armand Colin, Paris, 2015, p.142.

[4] Code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale (Code de la sécurité intérieure, art. R434-2).

[5] Lire à ce propos le « point droit » de l’Observatoire parisien des libertés publiques, « Obligation de port du matricule (RIO) », 2024.

[6] Conseil d’État, décision n° 467771.

[7] Propos tenus à l’occasion d’une audition devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, le 5 avril 2023.

[8] Un recours en exécution a été déposé devant le Conseil d’État. Lire le communiqué de la Ligue des droits de l’Homme, de l’ACAT-France, du Syndicat des avocats de France et du Syndicat de la magistrature, « RIO : la lisibilité du numéro n’est pas une option, c’est une garantie démocratique », 15 octobre 2024.

[9] Tract du bureau national d’Alliance Police nationale, le 11 octobre 2023.

[10] Propos recueilli le 8 décembre 2018 par Perrine Poupin, cité dans « “On est plus chaud ! Plus chaud ! Plus chaud qu’le lacrymo !” L’expérience des violences policières dans le mouvement des Gilets jaunes », Sociologie et sociétés, vol. 51, n° 1-2, 2019.

[11] « Pétition pour la dissolution de la Brav-M » mise en ligne le 23 mars 2023 sur le site internet de l’Assemblée nationale et classée le 5 avril 2023 en commission des lois, par décision des députés des groupes Renaissance, LR et RN.

[12] Sébastien Bourdon, Emile Costard et Antoine Schirer, « 2016-2021. Cinq ans de manifestations disséquées : comment les forces de l’ordre usent des grenades au mépris des règles », Mediapart, 5 juillet 2021.

[13] Code de la sécurité intérieure, L435-1 et R434-18.

[14] Les arrêtés d’interdiction de manifester attaqués en justice par les associations sont régulièrement suspendus par les tribunaux administratifs.

[15] Illégaux d’après une décision du tribunal administratif de Montpellier de février 2025. Lire Jérôme Hourdeaux, « « Casserolades » : le juge administratif confirme l’illégalité des périmètres d’interdiction », Mediapart, le 4 février 2025.

[16] Propos tenus en conférence de presse le 16 novembre 2019.

[17] « Aucune autre disposition légale ou réglementaire n’incrimine le seul fait de participer à une manifestation non déclarée », Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 juin 2022, 21-82.451, et 14 juin 2022, 21-81.054. Lire « Manifester n’est pas une infraction : c’est l’exercice d’une liberté ! », « Point droit » de l’Observatoire parisien des libertés publique, 2022. Consultable en ligne.

[18] 20 Minutes avec AFP, « « Gilets jaunes », acte 28 : Le préfet de police de Paris déplore les appels aux manifestations non déclarées », 20 Minutes, 25 mai 2019.

[19] Propos tenus devant la commission des lois du Sénat, le 3 avril 2019. Retranscrits dans le compte-rendu.

[20] Observatoire parisien des libertés publiques, « Contrôler, réprimer, intimider. Nasses et autres dispositifs d’encerclement policier lors des manifestations parisiennes, Printemps 2019 – Automne 2020 », 2020-2021.

[21] Lire « Badges – autocollants : Illégalité de la demande de retrait pour sortir de manifestation », « Point droit » de l’Observatoire parisien des libertés publiques 2021.

[22] Voir par exemple Observatoire parisien des libertés publiques, « Escalade des violences et opération de communication, la stratégie de la Préfecture de police de Paris pour le 1er mai 2023 », 2023, pp.22-23 et 46-48.

[23] Préfecture de Police, « BRAV-M : Au cœur d’un dispositif de maintien de l’ordre ! (Manifestation, entraînement et moto !) », vidéo postée sur le compte YouTube @prefecturedepolice, 18 février 2022. Je souligne.

[24] CRS force d’appui rapide

[25] Pascale Pascariello, « La CRS 8, l’unité “va-t-en-guerre” de Gérald Darmanin, est visée par une enquête judiciaire », Mediapart, 23 mai 2023.

[26] Ibid.

[27] Schéma national du maintien de l’ordre, 2.7.2.

[28] Pascale Pascariello, « La CRS 8, l’unité “va-t-en-guerre” de Gérald Darmanin, est visée par une enquête judiciaire », Mediapart, 23 mai 2023.

[29] Éric Pelletier, « Policiers encagoulés : “Il y a un risque de déshumanisation” », Entretien avec Christian Mouhanna, Le Parisien, 3 avril 2017.

[30] Propos tenus dans le reportage « Brav-M, brigade de choc en première ligne », « Enquête d’action », W9, réalisé par Maxime de la Houplière, première diffusion le 22 septembre 2023. Visionnable en centre INA.

[31] Peloton motorisé d’interception et d’interpellation

[32] Observatoires des libertés publiques et des pratiques policières, Ligue des droits de l’Homme et Syndicat des avocats de France, « Sainte-Soline 24-26 mars 2023. Empêcher l’accès à la bassine quel qu’en soit le coût humain », publié le 10 juillet 2023. Consultable en ligne.

[33] Propos tenus dans la Revue de la gendarmerie nationale, n° 267, juin 2020. Je souligne.

[34] D’après la classification du philosophie John Austin.

[35] Conseil d’État, Les états d’urgence : la démocratie sous contraintes, 2021, p.79

[36] Division d’information et d’intervention de la DOPC.

[37]

[38] https://www.thinbluelinefrance.com/a-propos/, consulté le 26/02/2025.

[39] Direction de l’ordre public et de la circulation.

[40] Propos tenus par Jérôme Foucaud, alors chef de la DOPC, à l’occasion d’une conférence donnée le 14 février 2024 à l’Institut libre des relations internationales et des sciences politiques (ILERI). Consultable en ligne sur le compte YouTube de l’ILERI.

[41] « Il faut maintenant dire que lorsqu’on va dans des manifestations violentes, on est complice du pire », affirmait Emmanuel Macron le 26 février 2019.

[42] Expression employée par Gérald Darmanin à propos des actions des militant∙es anti mégabassines. Par exemple, le 2 novembre 2022, sur BFMTV : « Je crois qu’il n’y a pas d’autres mots que des gens qui veulent par la violence, par la terreur et donc par le terrorisme empêcher l’État de droit de fonctionner, et les agriculteurs du fruit de leur travail, n’ayons pas peur des mots. […] Il y a eu effectivement un certain nombre d’actes qui s’apparentent à de l’écoterrorisme »

[43] Doctrine théorisée par Günther Jakobs.

[44] Observatoire parisien des libertés publiques, « La nasse, une pratique policière révélatrice d’une doctrine désignant les manifestant∙es comme ennemi∙es », dans « Nasses et autres dispositifs d’encerclement… », déjà cité, partie IV, 2021, p.6

[45] Didier Lallement, L’Ordre nécessaire, Robert Laffont, Paris, 2022, p.87.

[46] Observatoires des libertés publiques et des pratiques policières, Ligue des droits de l’Homme et Syndicat des avocats de France, « Sainte-Soline 24-26 mars 2023. Empêcher l’accès à la bassine quel qu’en soit le coût humain », 2023, pp.111-120 et 151-164.

[47] Ibid., pp.111-112.

[48] Günther Jakobs, cité dans Observatoire parisien des libertés publiques, « La nasse, une pratique policière révélatrice d’une doctrine désignant les manifestant∙es comme ennemi∙es », déjà cité, p.6.

[49] Pour une analyse de ces propos, voir Observatoires des libertés publiques et des pratiques policières, « Sainte-Soline 24-26 mars 2023. Empêcher l’accès à la bassine quel qu’en soit le coût humain », déjà cité, pp.9-16 et 132-134.

[50] Jean-Claude Monod, Penser l’ennemi, affronter l’exception, La Découverte, Paris, 2016, pp.155-156

[51] Conseil d’État, Les états d’urgence : la démocratie sous contraintes, 2021, p.79-80

[52] Pour plus de précisions sur l’armement des forces de police française, on consultera par exemple en ligne les travaux du collectif Désarmons-les (desarmons.net) ou ceux du journaliste Maxime Sirvins (maintiendelordre.fr). Lire aussi Paul Rocher, Gazer, mutiler, soumettre. Politique de l’arme non létale, La Fabrique, Paris, 2020.

[53] Voir par exemple les décomptes du journaliste David Dufresne et son équipe d’« Allô Place Beauvau » entre 2018 et 2022.

[54] Selon le mot employé par Emmanuel Macron à propos de Geneviève Legay, grièvement blessée dans une charge policière illégale en 2019 à Nice.

[55] Un rapport du Défenseur des droits indique que « ce discours sur une évolution permanente de l’escalade de la violence lors des manifestations a toujours existé, et ce même si le phénomène ne se vérifie pas statistiquement […]. Il correspond à une perception largement partagée au sein de la police qui alimente des revendications récurrentes autour de la dotation en équipements ». Défenseur des droits, « Désescalade de la violence et gestion des foules protestataires : Quelle(s) articulation(s) en France et en Europe aujourd’hui ? », 2021, p. 115. Voir aussi la synthèse établie à ce sujet dans le rapport « Maintien de l’ordre, à quel prix ? Enquête sur les évolutions des pratiques de maintien de l’ordre et leurs incidences sur les libertés », ACAT-France, pp. 52 à 57. Consultable en ligne.

[56] Lire à ce sujet les travaux des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières.

[57] De ce point de vue, tout compétence législative du gouvernement (pouvoir exécutif) est déjà une menace contre l’État de droit.

[58] D’après le concept de Pierre Serna. Lire par exemple Dominique Bourg, « Emmanuel Macron : de l’extrême-centre à l’extrême-droite », AOC, 29 janvier 2024, ou Ariane Ferrand, « L’“extrême centre” est un extrêmisme qui peut mener à l’autoritarisme », Le Monde, 15 janvier 2025.

[59] « He who saves his Country does not violate any Law », message posté sur le compte X de Donald Trump le 15 février 2015.

[60] Lire le communiqué commun à l’initiative de la LDH, « Pour une démocratie pleine et entière, défendons l’État de droit ! », 10 octobre 2024.

[61] Communiqué de la Ligue des droits de l’Homme et autres organisations membres de l’Observatoire des libertés et du numérique, « PPL Narcotrafic : les droits et libertés à nouveau victimes de l’addiction aux lois sécuritaires », 28 janvier 2025.