Écologie

Éco-émotions et (non-)parentalité à l’ère de l’Anthropocène

Enseignante-chercheuse en sciences de gestion, Enseignant-chercheur en sciences de gestion

Encore largement cantonnée aux débats politiques et économiques, la question démographique a souvent été associée aux réflexions écologiques et aux enjeux liés aux limites planétaires. Une lecture sensible de ces évolutions démographiques amène, par exemple, à s’intéresser au choix d’avoir ou non des enfants dans le contexte de la crise écologique.

Le choix de ne pas avoir d’enfant pour des raisons écologiques traduit aujourd’hui une nouvelle réalité émotionnelle à laquelle les individus doivent faire face. La finitude des ressources et le peu de réactions et de changements institutionnels en faveur d’une politique de sobriété suscitent un ensemble d’émotions et un rapport à la temporalité qui modifient les motivations, les pratiques reproductives et les processus décisionnels.

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Investir le champ émotionnel à l’heure de la réflexion et de la nécessaire action en faveur de la bifurcation écologique n’est pas seulement crucial sur le plan psychologique, mais nécessaire afin de mieux appréhender certaines mutations sociales, culturelles et politiques.

La crise écologique a des conséquences concrètes et immédiates sur la vie de millions de personnes, notamment du point de vue émotionnel. L’Anthropocène – époque qui se caractérise par l’avènement des humains comme principale force de changement sur Terre – est également l’ère de ce que le philosophe australien Glenn Albrecht nomme les « émotions psychoterratiques ». Albrecht désigne par-là les émotions positives ou négatives causées par l’état de l’environnement. Dans l’Anthropocène, les individus font ainsi face à une nouvelle réalité émotionnelle et font l’expérience de nouvelles émotions (le plus souvent négatives) face à un changement environnemental brutal.

Pour tenter de nommer cette nouvelle réalité affective, des néologismes tels que « éco-anxiété », « solastalgie » ou « dynatalgie » ont été proposés : de nouveaux mots pour qualifier de nouveaux maux.

Le nouveau lexique émotionnel de la crise écologique

La solastalgie est un concept à vocation psycho-clinique forgé par le philosophe Glenn Albrecht en 2005 pour éclairer sur la détresse induite par les changements environnementaux et pour aider à la compréhension de troubles mentaux liés à la relation à notre environnement naturel, la Terre. Albrecht définit la solastalgie comme « l’expérience vécue


[1] Glenn Albrecht, Les émotions de la Terre: des nouveaux mots pour un nouveau monde, Paris, 2021.

[2] Baptiste Morizot, Manières d’être Vivant : Enquêtes Sur La Vie à Travers Nous, Actes Sud, 2020.

[3] William Reddy, La traversée des sentiments : Un cadre pour l’histoire des émotions, 1700-1850. les Presses du réel, 2019.

Hélène Gorge

Enseignante-chercheuse en sciences de gestion, Maître de conférences-HDR à l'Université de Lille au sein de l'ILIS

Boris Collet

Enseignant-chercheur en sciences de gestion, Maître de conférence à l’Université Savoie Mont Blanc

Rayonnages

Société Écologie

Notes

[1] Glenn Albrecht, Les émotions de la Terre: des nouveaux mots pour un nouveau monde, Paris, 2021.

[2] Baptiste Morizot, Manières d’être Vivant : Enquêtes Sur La Vie à Travers Nous, Actes Sud, 2020.

[3] William Reddy, La traversée des sentiments : Un cadre pour l’histoire des émotions, 1700-1850. les Presses du réel, 2019.