Société

Tragédie de Bétharram : brisons les mécanismes institutionnels du silence

Sociologue

Les auditions devant la commission d’enquête sur les violences à l’école ont mis en lumière la nature institutionnalisée de ces crimes au sein de l’enseignement catholique, mais aussi de l’omerta entretenue à leur sujet. La lutte contre la silenciation des témoins et des victimes doit devenir la priorité de l’État, et ce dans les actes plutôt que dans des promesses changeantes au gré des pressions médiatiques.

« Celui qui ne connaît pas la vérité n’est qu’un imbécile.
Mais celui qui connaît la vérité et la nomme mensonge, celui-là est un criminel. »
Bertolt Brecht, La Vie de Galilée, 1938.

Quand Elisabeth Borne, ministre d’État, ministre chargée de l’Éducation nationale, s’exprime pour la première fois sur la tragédie de Notre-Dame-de-Bétharram le 21 février 2025, soit quinze jours après le premier article de Médiapart (5 février), elle reconnaît dans un premier temps que « l’État n’a pas été au rendez-vous » et détaille les mesures de son plan : renforcer (c’est un euphémisme, puisqu’il n’y en a quasiment aucun) les contrôles sur les établissements privés sous contrat avec un objectif de 40% sur deux ans, tout en refusant les inspections inopinées sauf en cas d’alerte[1], mieux accueillir la parole des victimes et développer la culture du signalement au sein de l’institution scolaire.

Puis dans un second temps, parce que la journaliste évoque le témoignage de Françoise Gullung, professeure de mathématiques de 1994 à 1996 à Bétharram, qui incrimine directement l’absence de réactions d’Elisabeth Bayrou face à des faits de violence qu’elles entendent, Elisabeth Borne change de posture : elle accuse Médiapart de sortir « un témoignage trente ans plus tard », discréditant ainsi l’unique lanceuse d’alerte en un demi-siècle sur des faits avérés depuis, et ajoute, dans la foulée, qu’elle « ne sait pas ce qui s’est passé dans cette école [à Bétharram] », anéantissant en moins de deux minutes la compassion envers les victimes, qu’elle avait pu exprimer au préalable, et surtout montrant de manière éclatante, et sans doute involontaire, pourquoi « l’État n’avait pas été au rendez-vous » !

Or si la mise en cause d’une personne en situation de pouvoir (ce qui est presque toujours le cas dans les faits de violence), qu’elle soit agresseuse ou témoin, suffit à dénigrer le lanceur d’alerte et à discréditer la véracité des faits qu’il rapporte, alors on ne peut qu’être circonspecte sur l


[1]. Ce qui signifie à ce moment-là jamais, puisqu’il n’y avait aucune procédure de remontée systématique des faits de violence prévue des établissements d’enseignement privé aux services académiques.

[2]. Le 19 février 2025, la commission des affaires culturelles a demandé de disposer des prérogatives d’une commission d’enquête en vertu de l’article 5 ter de l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 sur les modalités du contrôle par l’État et la prévention des violences dans les établissements scolaires. Ces prérogatives lui ont été attribuées, pour six mois, à compter du vendredi 21 février 2025.

[3]. Pour preuve François Bayrou, qui rencontre en 1998 le juge d’instruction saisi des viols à Bétharram car, « en bon père de famille », il s’inquiète pour ses enfants, mais pas pour les autres.

[4]. Article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »

[5]. La rapidité avec laquelle le rectorat de Nantes a diligenté une enquête au lycée Notre Dame d’Espérance à Saint-Nazaire et suspendu le chef d’établissement, en est la plus parfaite illustration, quand on sait que le même n’a effectué aucun contrôle ni en 2023 ni en 2024 ni dans le premier ni dans le second degré dans l’enseignement privé, alors que 40% des élèves de l’académie y sont scolarisés.

[6]. Article 223-6 alinéa 2 : « Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. »

[7]. Malgré la loi Waserman, les lanceurs d’alerte subissent des conséquences professionnelles, voire personnelles.

[8]. Il s’agit du

Fabienne Federini

Sociologue, Docteure en sociologie

Rayonnages

Société

Notes

[1]. Ce qui signifie à ce moment-là jamais, puisqu’il n’y avait aucune procédure de remontée systématique des faits de violence prévue des établissements d’enseignement privé aux services académiques.

[2]. Le 19 février 2025, la commission des affaires culturelles a demandé de disposer des prérogatives d’une commission d’enquête en vertu de l’article 5 ter de l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 sur les modalités du contrôle par l’État et la prévention des violences dans les établissements scolaires. Ces prérogatives lui ont été attribuées, pour six mois, à compter du vendredi 21 février 2025.

[3]. Pour preuve François Bayrou, qui rencontre en 1998 le juge d’instruction saisi des viols à Bétharram car, « en bon père de famille », il s’inquiète pour ses enfants, mais pas pour les autres.

[4]. Article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »

[5]. La rapidité avec laquelle le rectorat de Nantes a diligenté une enquête au lycée Notre Dame d’Espérance à Saint-Nazaire et suspendu le chef d’établissement, en est la plus parfaite illustration, quand on sait que le même n’a effectué aucun contrôle ni en 2023 ni en 2024 ni dans le premier ni dans le second degré dans l’enseignement privé, alors que 40% des élèves de l’académie y sont scolarisés.

[6]. Article 223-6 alinéa 2 : « Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. »

[7]. Malgré la loi Waserman, les lanceurs d’alerte subissent des conséquences professionnelles, voire personnelles.

[8]. Il s’agit du