Le vol spatial habité européen à l’heure du « Make America great again »
Les récents revirements de l’administration Trump en matière de politiques spatiales ont défrayé la chronique, et pas seulement dans les cénacles autorisés de la space policy étasunienne. La déflagration est ressentie de toutes parts : éviction en série de programmes scientifiques – et des scientifiques eux-mêmes – à la NASA et à la NOAA, instrumentalisation clientéliste de la dépendance à la constellation de satellites Starlink par l’Ukraine en échange de ressources minières… dans le fracas occasionné par le Department of government efficiency (DOGE) sous patronage muskien, l’industrie astronautique américaine subit ou profite, c’est selon, mais surtout ébranle le jeu géopolitique global.

Le domaine plus réservé du vol habité ne fait pas exception. Lors des dernières semaines, les rumeurs de coupes budgétaires ont visé la Lune, alors que le programme Artemis censé y ramener des astronautes (à l’origine en 2024 – en tout cas avant la Chine) semblait être éclipsé par le nouvel objectif martien. La NASA viserait désormais les deux destinations de concert à budget constant : le flottement est total. Par ricochet, c’est l’Europe et plus précisément l’Agence spatiale européenne (ESA) qui s’en trouve chamboulée. Fortement impliquée dans le programme lunaire, elle avance désormais dans l’incertitude : que faire des développements techniques déjà engagés ? Et surtout, comment envisager le futur même du vol habité en l’absence probable de l’allié habituel ?
Si la question de l’autonomie en matière de vol habitée, vieille d’une quarantaine d’années sur le Vieux continent, n’est toujours pas tranchée, elle s’y pose de façon rémanente. Pétrie d’affects, l’idée même d’envoyer elle-même des humains dans l’espace n’a historiquement pas convaincu l’Europe. Orbités par les navettes et capsules des uns ou les Soyouz des autres, les « spationautes » français n’ont jamais été autre chose qu’américains ou russes. La batterie d’arguments en défense du vol habité ne s’essouffle