Le Brexit, trois ans après
D’emblée, j’ai eu le sentiment que cet évènement allait bouleverser nos existences. Cette impression se confirme de jour en jour depuis trois ans, y compris pour ceux qui ne s’intéressent ni à la politique ni à la vie publique. Le 24 juin 2016, je me promenais vers Westminster et Whitehall, respectivement le centre politique et le centre administratif de l’État britannique, avant d’emprunter Victoria Embankment. De l’autre côté du fleuve, je remarquais les nombreuses équipes de télévision internationales pressées sur Albert Embankment qui se préparaient pour l’intervention de leur correspondant devant l’imposante bâtisse du Parlement. Les éclairages de plateau évoquaient les lueurs sporadiques d’un barrage d’artillerie au crépuscule. Quant au vrombissement constant des hélicoptères au-dessus de nos têtes, il contribuait à l’atmosphère de siège qui régnait sur la ville.
Je me suis assis sur la pelouse de St Stephen’s Green, en face du palais de Westminster qui abrite le Parlement, et j’ai observé les journalistes. Ils se sont mis à interviewer des hommes politiques, des universitaires, des passants, puis leurs propres consœurs et confrères. Tout le monde essayait de donner un sens à un évènement qui, jusqu’à la veille, paraissait tellement improbable. Pour l’heure, personne ne manifestait sa joie, personne ne protestait, mais ça ne tarderait pas. Dès ce moment, j’ai eu la conviction que le Brexit représenterait la crise majeure de ma génération (je suis né l’année où le Parlement a décidé « d’entrer dans l’Europe ») et peut-être la plus importante depuis la « Guerre », à savoir le conflit de 1939-1945, gravé dans la psyché nationale et devenu la référence essentielle de la campagne du référendum et de ce qui allait s’ensuivre.
Le 23 juin 2016, la veille du référendum, je me trouvais à Londres pour clore la conférence annuelle de la société savante que je dirige, Britain and the World. Pendant trois jours, près de deux cents universitaires avaient présenté