Les Antigone
On aurait du mal à le croire, mais il y a des Antigone dans la diagonale du vide. Elles ont des visages quelconques, ceux dont on ne se souvient pas, ces visages qui ne racontent rien d’autre que la banalité de la vie et la désinvolture innée. Ces Antigone portent des crop top en matière synthétique et dépensent leurs SMIC mensuels au Quick et sur Temu. Elles se réunissent autour d’une boisson fluorescente à bas prix pour discuter d’un nouveau produit cosmétique vu sur Tik Tok. Parfois, elles fument des cigarettes, souvent des indus, elles trouvent que c’est plus classe, elles apprécient la posture que fumer leur apporte. Après avoir échangé sur leurs relations amoureuses respectives et sur leurs dernières acquisitions sur un site de vente de vêtements d’occasion, et après avoir déroulé leur skin care routine en bonne et due forme, elles s’allongent dans des flanelles léopards. C’est peut-être à cet endroit que la vraie vie des Antigone commence. Allongée, vêtue d’un pyjama Etam offert par l’un des membres de ce qu’elles appellent, leur « ensemble familial ». L’exploration a lieu de manière tout à fait statique, fait peu commun en matière d’exploration, mais seul un esprit étriqué estimera qu’un voyage n’est valable que lorsqu’il est géographique. Les Antigone débarquent sur l’Internet, ici elles connaissent les rouages et les mécanismes propres au numérique. Sur l’Internet inclut tous ses descendants : les réseaux sociaux comme Instagram, Tik tok, parfois Snapchat ou Facebook (l’une d’entre elles dit : Facebook pour la Market Place, ça marche super bien, presque aussi bien que Leboncoin). Elles ont visité pendant des heures les pages infinies, visionné des milliers de tutoriels, de talks, d’interviews, écouté des playlists, téléchargé un nombre incalculable de films et de livres. Effectivement, les Antigone aiment lire, c’est à s’y méprendre lorsque l’on pense à leurs cheveux toujours propres et leurs guirlandes de boucles d’oreilles. Les Antigone savent ce que l’o