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Israël-Palestine : la solution à deux États est l’alibi de l’inaction

Philosophe

Depuis des décennies, la « solution à deux États » est brandie comme l’unique issue envisageable du conflit israélo-palestinien – alors que c’est un leurre. Elle empêche justement de penser une des causes de l’impossible coexistence : la définition de l’État par le fait ethnique et religieux, qui permet la prolifération d’un nationalisme excluant et mortifère.

Constamment répétée comme une formule magique, « la solution à deux États » au conflit qui déchire la Palestine historique depuis 1948 a, en fait, pour seule fonction de dissimuler et de justifier l’inaction des gouvernements occidentaux et de faire disparaître la seule issue possible de ce conflit qui soit conforme non seulement à la raison mais aux convictions et aux principes dont ces mêmes gouvernements se disent porteurs.

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La prétendue « solution à deux États » est à la fois irréaliste, impossible et injuste. Elle est donc incapable de mettre fin au conflit.

Elle est irréaliste parce qu’Israël ne l’acceptera jamais, sauf sous une forme qui en défigurerait entièrement la nature[1]. Il s’agirait en effet, comme le montre Gilbert Achcar dans un livre récent, d’une nouvelle version du plan Allon de 1967 : l’État hébreu conserverait le contrôle des frontières, en particulier de celle qui longe le Jourdain, tandis que la population palestinienne serait « regroupée » dans deux zones à fort peuplement au nord et au sud de la Cisjordanie, coupées l’une de l’autre par un corridor annexé prolongeant le grand Jérusalem[2]. Bien entendu, le soi-disant État palestinien ainsi créé ne serait pas un État au sens propre du terme mais une nouvelle prison à ciel ouvert, comme l’a été la bande de Gaza depuis 2007 : pas de souveraineté, pas de forces de défense, une économie asphyxiée, des perspectives de développement inexistantes, une capitale nominale en dehors de Jérusalem. Bref rien de plus qu’une paire de bantoustans sous tutelle, sans continuité territoriale entre eux ni avec la bande de Gaza.

Elle est impossible parce que, aujourd’hui, près de 700 000 colons sont installés, au mépris du droit international, dans les territoires occupés. Qui les expulsera, par la force ou autrement ?

Enfin elle est injuste : quelle raison les 7 millions de Palestiniens qui vivent aujourd’hui sur le territoire de la Palestine mandataire auraient-ils d’accepter la concession qui leur s


[1] M. Chemillier-Gendreau, Rendre impossible un État palestinien. L’objectif d’Israël depuis sa création, Textuel 2025

[2] G. Achcar, Gaza, génocide annoncé. Un tournant dans l’histoire mondiale, La Dispute, 2025.

[3] Cf. I. Pappe, Ten Myths about Israel,  ch. 8 The Oslo Mythologies, Verso, 2017.

[4] M. Rodinson, Peuple juif ou problème juif,  Maspero/ La Découverte, 1981

[5] Cf. S. Cypel, L’Etat d’Israël contre les juifs, La Découverte 2020, p. 113-124

[6] O. Bartov, Genocide, The Holocaust and Israel-Palestine. First Person History in Times of Crisis, Bloomsbury Academic, 2023.

[7] J. Halper, Decolonizing Israel, Liberating Palestine. Zionism, Settler colonialism and the Case for One Democratic State, Pluto Press, 2021

Jean-Fabien Spitz

Philosophe, Professeur émérite à la Sorbonne

Notes

[1] M. Chemillier-Gendreau, Rendre impossible un État palestinien. L’objectif d’Israël depuis sa création, Textuel 2025

[2] G. Achcar, Gaza, génocide annoncé. Un tournant dans l’histoire mondiale, La Dispute, 2025.

[3] Cf. I. Pappe, Ten Myths about Israel,  ch. 8 The Oslo Mythologies, Verso, 2017.

[4] M. Rodinson, Peuple juif ou problème juif,  Maspero/ La Découverte, 1981

[5] Cf. S. Cypel, L’Etat d’Israël contre les juifs, La Découverte 2020, p. 113-124

[6] O. Bartov, Genocide, The Holocaust and Israel-Palestine. First Person History in Times of Crisis, Bloomsbury Academic, 2023.

[7] J. Halper, Decolonizing Israel, Liberating Palestine. Zionism, Settler colonialism and the Case for One Democratic State, Pluto Press, 2021