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Jihadistes français en Irak, les effets d’une justice extraterritoriale d’exception

Politiste

Onze jihadistes français ont été condamnés à mort par la justice irakienne ces derniers mois. Alors que la France assure que se sont tenus des procès équitables, les journalistes présents sur les lieux ont rapporté le non-respect des droits de la défense, l’absence de traduction ou encore d’individualisation des condamnations. Il nous appartient dès lors d’analyser les effets politiques, judiciaires et diplomatiques de la déjudiciarisation du traitement des jihadistes, aussi appelée « doctrine Le Drian ».

Interrogé à l’Assemblée nationale le 29 mai 2019, sur les procès de jihadistes français en Irak, Jean-Yves Le Drian affirmait : « Monsieur le Député, nous respectons la souveraineté judiciaire de l’Irak. Je voudrais vous dire, contrairement à ce que j’entends ici et là, le procès est équitable. Les audiences sont publiques, les procès sont conduits par un magistrat du siège, assisté de deux assesseurs, le réquisitoire est conduit par un procureur, un greffier consigne en direct l’intégralité des débats, l’avocat est présent, et s’il y a un problème de traduction l’ambassade elle-même fournit les interprètes (…) ».

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Par cette réponse, le ministre des affaires étrangères répertorie une partie des règles du « procès équitable », socle fondamental de notre système judiciaire. Pourtant ces principes, aujourd’hui constitutionnalisés via la Convention européenne des Droits de l’Homme, n’apparaissent dans aucun compte rendu d’audience publié par les journalistes de la presse française et étrangère. Envoyés spécialement pour ces procès au tribunal de Bagdad, leurs couvertures médiatiques commencent dès le début de l’année 2018. Les fils twitter, les reportages radios, les photos et images publiées « des procès des Français en Irak » racontent alors une toute autre histoire.

Entre incompréhension des accusés du fait de l’absence de traduction linguistique et juridique de la procédure et des questions du juge, non respect des droits de la défense ou encore condamnations à la peine de mort, les critères européens du « procès équitable » semblent de ce point de vue battus en brèche. Peu de doute possible sur la réalité d’un traitement judiciaire d’exception, appliqué de manière extraterritoriale à des citoyens français. [1] 

Pourtant quelques jours après cette première déclaration devant la représentation nationale, la porte parole du gouvernement confirme les déclarations du ministre. « La justice irakienne se fait dans de bonnes conditions, avec une défense présente


[1] Pour une description des derniers procès : www.lepoint.fr/ et www.francetvinfo.fr/

[2] Denis Salas, La Volonté de punir : essai sur le populisme pénal, Hachette littératures, 2005, pp. 92

Antoine Mégie

Politiste, Maitre de conférences à l’Université de Rouen

Notes

[1] Pour une description des derniers procès : www.lepoint.fr/ et www.francetvinfo.fr/

[2] Denis Salas, La Volonté de punir : essai sur le populisme pénal, Hachette littératures, 2005, pp. 92