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Je m’appelle Nour

Poète

Le blocus médiatique réduit au silence, depuis de longs mois et de manière sanglante, la voix des Palestinien·ne·s. À travers cinq portraits de Gazaoui·e·s, la jeune Nour Elassy, dont nous avions publié des poèmes en février dernier, raconte quelques fragments de la vie quotidienne à Gaza – quand elle survit et cohabite avec la mort.

À Gaza, se réveiller n’est pas garanti. Se réveiller est un miracle silencieux. Lorsque l’air ne tremble pas à l’aube et que le toit ne s’est pas effondré pendant la nuit, nous ouvrons les yeux et soufflons, juste un peu. Le plafond a beau être fissuré, les fenêtres recouvertes de bâches en plastique, nous sommes toujours là. Et c’est, en soi, un acte de résistance.

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Ceci n’est pas un « day in the life », tel qu’on peut le voir sur YouTube ou Instagram. Il n’y a pas de machines à café qui ronronnent ou de bougies qui scintillent dans des coins décorés. Il n’y a pas de projet de brunch. Nous sommes à Gaza, où la guerre dure depuis plus de 600 jours. Ici, une journée dans nos vies est une journée à l’intérieur d’un cimetière vivant – brûlant, affamé, mais respirant encore.

Je m’appelle Nour. J’ai 22 ans et je suis originaire du quartier d’Attafah à Gaza. Avant la guerre, je faisais ma dernière année à l’université, j’étudiais la littérature anglaise et française et je rêvais déjà d’un master à l’étranger. Aujourd’hui, je suis déplacée dans l’appartement exigu de ma sœur, je partage l’espace avec sa famille et j’espère que les murs tiendront toute la nuit.

Chaque matin, avant de consulter mon téléphone, avant de boire une gorgée d’eau, je suis reconnaissante de m’être réveillée. Nous le sommes tous. Chaque jour commence par de la gratitude : non pas pour ce que la journée nous réserve, mais parce que nous respirons encore.

Notre eau provient d’un puits situé sous le bâtiment, pompé à l’aide de panneaux solaires cassés. Le système est fragile. Un jour nuageux et nous n’avons plus d’eau. Les réservoirs sur le toit se remplissent lentement et nous rationnons chaque goutte. L’eau n’est pas assez propre pour être bue, mais nous nous lavons avec, nous cuisinons avec, nous survivons avec.

L’électricité n’est qu’un souvenir qui s’estompe. Internet se fait encore plus rare. J’essaie de poursuivre mes études, en me battant pour rendre des essais et des travaux de recher


Nour Elassy

Poète