Depuis la prison, construire un autre regard sur l’enfermement carcéral
Faire de la sociologie de manière artisanale et collective en prison, voilà ce qui constitue mon quotidien depuis deux ans. Aux Baumettes, je tente d’inventer d’autres conditions et méthodologies de recherche pour produire des connaissances sur les fonctions sociales de l’enfermement carcéral, au plus près de ce qu’en pensent ceux qui y sont confrontés.
J’étudie la prison depuis de nombreuses années, et jusqu’ici je n’avais pas rencontré d’espace dédié et de possibilités de temps long pour associer plus étroitement les détenus à la recherche sociologique. J’avais pourtant l’intuition qu’ils étaient les plus à même de renouveler des angles de vue différents, des analyses et des narratifs sur la prison. L’intérêt de créer les conditions de possibilité pour un travail maïeutique avec eux, ainsi qu’une sorte d’observatoire des questions sociales et des politiques publiques depuis la détention m’apparaissait de plus en plus nettement.

C’est à ce projet que je me suis attelée, en faisant le pari que la naissance d’un tel espace aux Baumettes, à Marseille, aurait des répercussions sur les plans symboliques et concrets, sur ce qu’on a à comprendre de la prison et depuis la prison. J’ai pensé que c’était une tentative intéressante de sociologie et de citoyenneté, et encore aujourd’hui malgré des épisodes réguliers de découragement, je pense ne pas m’être trompée.
Nous sommes en mai 2023 quand les choses sérieuses commencent pour ce projet. Après quatorze mois à avoir expérimenté la mise en œuvre d’un premier groupe de réflexion sociologique dans la partie SAS (structure d’accompagnement vers la sortie) de la prison des Baumettes, je déplace l’initiative sur un grand secteur de la maison d’arrêt du centre pénitentiaire de Marseille : le QH1 (quartier hommes 1, qui compte 146 cellules pour environ 300 personnes détenues).
Je le fais d’abord reposer sur une proposition : la création d’un collectif de réflexion sur la transition sociale et écologique. Parce que l’écolo