Histoire

Faire l’histoire du XXIe siècle

Historienne

Peut-on, et pourquoi, faire l’histoire du XXIe siècle ? La question n’intéresse pas que les historiens, la réponse indique en effet un certain rapport à la démocratie, à l’importance du regard critique à l’heure de la société de l’information. La décision récente de la revue Vingtième siècle de devenir 20&21 fait en la matière œuvre de manifeste. Sa rédactrice en chef explique ce choix dans AOC, alors que les 22e Rendez-vous de l’histoire démarrent à Blois ce 9 octobre.

Faire l’histoire du XXIe siècle, qu’est-ce que cela veut dire, en 2019 ? Pendant plusieurs mois, cette question s’est posée à la rédaction de Vingtième siècle. Revue d’histoire, fondée en 1984 et qui a choisi en janvier dernier de s’intituler désormais 20&21. Revue d’histoire. Si nous la posons à nouveau pour les lecteurs d’AOC, ce n’est pas sur le mode narcissique d’une histoire interne, mais parce que les interrogations qui ont été les nôtres nous semblent porter un intérêt plus large. Cet intérêt relève d’une certaine conception de l’histoire contemporaine, et de ses relations avec la démocratie.

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Il faut se rappeler qu’au lendemain de la défaite de 1870, l’enseignement de l’histoire à l’université s’est organisé sur un mode quadripartite (l’histoire devait être ancienne, médiévale, moderne ou contemporaine). La dernière période commençait avec la Révolution française, dont la signification était encore un enjeu brûlant pour une République balbutiante et contestée. L’histoire contemporaine fut donc d’abord une histoire du temps présent, et c’est cela qu’il faut éclairer. Mais le défini contracté « du » signifie deux choses : le XXIe siècle est déjà un objet d’histoire, certes, mais il est aussi un observatoire, depuis lequel nous jetons nos regards sur le siècle précédent. Cet observatoire, nous ne sommes pas les seuls à l’occuper : « Toute histoire digne de ce nom est histoire contemporaine », disait Benedetto Croce, incluant ainsi l’histoire des périodes plus anciennes.

À la question posée, la première réponse est simple. L’histoire, nous le savons tous, commence hier, et force est d’admettre qu’elle ne nous a guère laissés en repos depuis le 1er janvier 2001. D’un côté, la succession d’événements dramatiques ouverte par les attentats du 11 septembre porte en elle une exigence d’histoire du temps présent, parce qu’ils sont vécus par nos contemporains sur le mode d’un « tournant historique » qui ne cesse de se redéfinir et qu’il faut bien caractériser,


Raphaëlle Branche

Historienne, Professeure d’histoire contemporaine à l’Université de Rouen, rattachée au GRHIS.