Société

Et si la vidéosurveillance (intelligente) nous rendait aveugles ?

sociologue

Remplacer le contrôle humain par la vidéosurveillance dite intelligente semble être l’ambition des dispositifs de reconnaissance faciale testés récemment dans des communes et des établissements scolaires en France. Or, cette technologie est loin d’être autonome. S’il y a crainte ou espoir à avoir, c’est donc moins dans les prétendues prouesses technologiques de ce dispositif que dans ses usages réels.

À l’œil des caméras de vidéosurveillance, se sont ajoutées des oreilles, une bouche. Un nouveau visage semble se dessiner : celui d’un « policier augmenté » qui, à distance, verrait, entendrait, parlerait « mieux » que son homologue humain. à ces capacités physiques s’ajouteraient des fonctions cognitives, permettant à la reconnaissance faciale, tel un « cerveau robotisé », d’identifier plus efficacement les criminels et de dépister les comportements suspects.

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Si certaines voix s’élèvent pour dénoncer « le vrai visage de la reconnaissance faciale », d’autres en vantent les mérites pour assurer notamment la protection des citoyens. Cependant, cette polarisation du débat (pour ou contre) repose sur un certain nombre de postulats et de croyances qui biaisent la controverse. Pour aider à déconstruire les nouveaux fantasmes suscités par l’émergence de la reconnaissance faciale, intéressons-nous aux acteurs publics et privés qui utilisent la vidéosurveillance au quotidien.

Tout d’abord, les caméras dites hautement performantes, ne voient pas si bien que cela. En effet, le large éventail de dispositifs de vidéosurveillance existants (caméras dômes, fixes, factices, lecture de plaques d’immatriculation), les divers lieux (rues, parkings) et supports d’implantation (lampadaires, plafonds), les moyens humains inégaux associés (surveillance en temps réel, en temps différé), ou encore les obstacles visuels (arbres, stores de commerces, panneaux publicitaires, soleil, pluie, brouillard etc.), font considérablement varier la qualité des images. En outre, les caméras censées filmer en continu ne fonctionnement pas toujours et nécessitent de recourir régulièrement à des techniciens de maintenance pour réparer les pannes récurrentes du système.

Si la vidéosurveillance est souvent associée à une « machine à tout faire », elle est loin de pouvoir tout résoudre.

Ensuite, la neutralité, l’objectivité de la vidéosurveillance n’est qu’apparente. En réalité les caméras voient d’


[1] Tout se passe comme si les multiples fonctions de la vidéosurveillance, loin d’obéir à un motif d’intérêt général, étaient régulièrement annexées à un intérêt « professionnel » spécifique : gestion du trafic automobile, surveillance des bâtiments communaux, vidéo-verbalisation, comptage de personnes, surveillance des salariés etc.

Élodie Lemaire

sociologue, maîtresse de conférences à l’UPJV

Notes

[1] Tout se passe comme si les multiples fonctions de la vidéosurveillance, loin d’obéir à un motif d’intérêt général, étaient régulièrement annexées à un intérêt « professionnel » spécifique : gestion du trafic automobile, surveillance des bâtiments communaux, vidéo-verbalisation, comptage de personnes, surveillance des salariés etc.