Critique

Bien sûr, il ne faut pas réduire les œuvres d’un artiste à ses convictions politiques. On risquerait de passer à côté de celles-ci comme de celles-là. Il est des cas rares, néanmoins, où le lien paraît si profond que c’est la vie même de l’artiste-militant, dans son engagement et sa créativité, qui finit par se constituer en œuvre d’art. C’est en tout cas ce qui ressort de l’exposition consacrée à Maximilien Luce (1858-1941), peintre et anarchiste, par le discret musée de Montmartre, dans la rue même où il résida un temps, sobrement intitulée « L’instinct du paysage ».

Comme nous le rappellent d’emblée les portraits de ses amis qui trônent à l’entrée, Maximilien Luce n’était pas seul dans son engagement artistique et politique. Le maître et ami Camille Pissarro (1830-1903), mais aussi Georges Seurat (1859-1891), Paul Signac (1863-1935), Henri-Edmond Cross (1856-1910), auxquels il faut ajouter le critique d’art Félix Fénéon (1861-1944), tous partagent l’héritage impressionniste et les idées libertaires, fréquentent des groupes militants et participent à leurs revues. Mais Luce, dont un autoportrait le dépeint avec barbe, chapeau, lunettes, cigarette, sobre et sérieux, est sans doute celui qui réalisa le mieux l’accord entre sa vie, son œuvre et ses idées. « L’art de Luce, c’est Luce lui-même », écrira le poète Émile Verhaeren (1855-1916), un autre de ses amis.

Loin de l’impétuosité d’un art expressionniste, c’est plutôt le calme utopique d’un âge d’or projeté à l’horizon de la révolution sociale qui est ici recherché.

Comment art et anarchisme s’articulent-ils alors ? Non pas d’abord par l’application d’un programme esthétique qui produirait un art social ou militant. « Le peintre anarchiste n’est pas celui qui représentera des tableaux anarchistes », écrit Signac. Mais plutôt dans la mise en œuvre de techniques picturales érigées en principes éthiques et politiques : le pointillisme – ou plutôt divisionnisme –, par lequel de petites touches de couleur sépa