La racialisation des représentations – à propos de l’exposition « Le modèle noir »
Le beau portrait de Madeleine accueille les visiteurs de l’exposition que le musée d’Orsay consacre au « modèle noir de Géricault à Matisse ». Il a été réalisé en 1800 par Marie-Guillemine Benoist qui a fait poser la jeune domestique noire, Madeleine, venue de Guadeloupe avec son beau-frère et sa belle-sœur.
Le tableau est très vite entré dans les collections du musée où Madeleine « habite depuis plus de deux siècles », comme le dit joliment Anne Lafont dans le bref essai qu’elle consacre à l’interprétation de cette œuvre. Il était jusqu’à présent exposé sous des titres, « portrait d’une négresse », puis « portrait de femme noire », qui gommaient l’identité de son modèle et plus subrepticement, la brève abolition de l’esclavage dans les colonies françaises entre 1794 et 1800. L’exposition lui donne un nouveau cartel mentionnant le nom de Madeleine, comme c’est l’usage pour les portraits dont le modèle peut être identifié.
Madeleine, Olympia et Laure
Ce tableau n’est pas le seul à changer de cartel grâce à l’exposition, qui prend ainsi au sérieux les controverses sur les catégories acceptables d’identification et de désignation soulevées depuis une dizaine d’années en France par les militants antiracistes et par les chercheurs qui analysent les reconfigurations en cours de la question raciale. Renommer une œuvre d’art est un geste symboliquement important, mais qui n’a de sens que s’il s’inscrit dans une réflexion plus ample. Le principal apport de cette exposition est de poser les jalons de cette réflexion en France.
L’inventaire systématique de « l’image du noir dans l’art occidental », titre d’une importante collection d’ouvrages en histoire de l’art, est en cours depuis les années 1970. Les trois commissaires de l’exposition, Cécile Debray, Stéphane Guégan, Isolde Pludermacher, et son comité scientifique s’appuient sur cette base solide pour explorer un des paradoxes de cette représentation au XIXe et au XXe siècle.
Dès le début du XIXe siècle, des Noi