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Syrie, un État d’extermination et non un « régime dictatorial »

Ecrivain

Le président syrien Bachar al-Assad a promis vendredi 12 juillet de « poursuivre » les efforts pour la formation d’un comité constitutionnel, exigé par l’ONU en vue d’un règlement politique du conflit syrien. Il y aurait donc une voie possible, au sein du système international, pour un régime que beaucoup considèrent certes comme dictatorial, mais auquel il faudrait se résigner. Mais si l’on considère, comme Yassin al-Haj Saleh, que le régime assidien n’est pas une dictature mais un État d’extermination, le regard n’est plus le même.

Qualifier le régime d’Assad en Syrie de « dictatorial » est non seulement une grave erreur, mais également la source des erreurs intellectuelles, politiques, éthiques en matière de droits humains commises à l’encontre des Syriens au niveau international. L’État assadiste est fondé sur l’extermination et non sur une simple « répression », et en tant que tel il constitue davantage un problème universel qu’un problème exclusivement syrien. Considérer le régime au pouvoir en Syrie comme une dictature, c’est le placer dans une vaste catégorie qui s’applique aujourd’hui à de nombreux régimes de pays autrefois colonisés, et à l’Europe elle-même il y a moins de deux générations. Cela revient à normaliser le régime d’Assad, voire à le flatter, tout en lui retirant son caractère criminel unique, empêchant ainsi une progression indispensable de la réflexion politique, tant au niveau syrien qu’au niveau mondial.

Franco était un dictateur, de même qu’Habib Bourguiba en Tunisie, Gamal Abdel Nasser en Égypte, le maréchal Tito en ex-Yougoslavie, et d’innombrables autres qui ont régné, ou cherché à gouverner, à vie, en excluant leurs adversaires et en restreignant la pluralité politique. Pourtant, aucune de ces figures n’a œuvré à installer au pouvoir des dynasties dirigeantes, à transformer l’État en propriété privée destiné à leur propre usage, ou encore à faire de « l’éternité » – et de la guerre perpétuelle contre l’avenir qu’elle exige – un objectif principal de leur autorité.

Éternité, dynastie et État privatisé constituent les traits fondamentaux du régime assadien, qui se distinguent de la dictature. Ici, l’État n’est pas utilisé pour organiser la société politiquement. Il n’opère pas sur le mode d’un État nationaliste pratiquant la répression, mais plutôt comme un État en guerre permanente avec ses gouvernés, déterminé à écraser au moyen d’une violence extrême toute entrave à sa pérennité. En arabe, la parenté étymologique entre les termes éternité (al-abad) et exterminati


Yassin al-Haj Saleh

Ecrivain, Wissenschaftskolleg Berlin