Le nouvel âge de la police du discours – à propos de la proposition de loi Avia
C’est une simple proposition de loi. Une parmi les nombreuses qu’enregistre chaque année la présidence de l’Assemblée Nationale et qui peuvent porter, au choix, sur la légalisation du cannabis, une sixième semaine de congés payés, ou la lutte contre le papillomavirus. Pourtant, et à de rares exceptions, les lois finalement votées sont surtout issues de projet de loi, c’est à dire de textes préparés et défendus par le gouvernement.

La loi proposée par la député Laetitia Avia est ambitieuse et entend juguler « la haine en ligne », c’est à dire, essentiellement, sanctionner plus systématiquement et peut-être plus durement les auteurs de propos racistes, antisémites, sexistes – la liste est longue – publiés sur internet, espace virtuel devenu en quelques décennies le grand défouloir de vengeurs masqués de toutes sortes. Les réactions ne se sont pas fait attendre du côté de la presse comme du barreau, par ailleurs échaudés par d’autres initiatives, et les tribunes se multiplient pour alerter sur les risques qu’il y aurait à toucher à la séculaire loi sur la presse, adoptée en 1881 sous la jeune IIIe République, parmi d’autres « lois de liberté » ayant rompu avec l’autoritarisme du second empire. Est-ce en raison d’un poids trop lourd que porterait sur ses jeunes épaules la députée En Marche ?
Toujours est-il que pas moins de cinq ministres et deux secrétaires d’État lui ont apporté leur soutien tandis que la garde des sceaux annonce son intention, à cette occasion, de sortir l’injure et la diffamation de cette même loi de 1881, pour les intégrer dans le code pénal et les soumettre au même régime que, par exemple, les vols à la tire ou les violences conjugales.
De délit privé punissable seulement si la victime le souhaite, injure et diffamation redeviennent des infractions relevant du parquet lorsqu’elles sont discriminatoires
En France, la police du discours a jusqu’à présent reposé sur un équilibre délicat construit progressivement par le législateur et les juges sur