Politique

L’angle mort de Chapoutot sur l’accession d’Hitler au pouvoir

Journaliste

Il ne faut pas sous-estimer, dans l’analyse des facteurs qui ont facilité l’ascension du nazisme, le rôle crucial des partis de gauche. Un an après la victoire du Nouveau Front Populaire aux législatives, et alors que le Rassemblement national progresse, la gauche est à nouveau divisée. Il nous faut écouter les leçons de l’Histoire et faire front commun contre la montée des fascismes.

Si, conduisant mes recherches pour écrire mon livre Collaborations : enquête sur les milieux d’affaires et l’extrême droite (La Découverte, 297 pages, 22 euros), il y a bien une lecture qui m’a été précieuse, c’est celle de l’essai de l’historien Johann Chapoutot sur Les irresponsables (Gallimard, 2025), présentant les stupéfiantes circonstances ayant permis à Hitler d’accéder au pouvoir en Allemagne en 1933.

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Si je souhaite m’en expliquer, c’est pour cette raison : j’ai la conviction que ce que dit Chapoutot de cette époque qui a vu le naufrage de la République de Weimar au profit d’un régime criminel peut nous éclairer très fortement sur les dangers qui pèsent aujourd’hui sur notre propre démocratie, et peut-être un jour prochain l’engloutir tout autant. Car d’une époque à l’autre, il y a de troublantes similitudes. Et je voudrais profiter de la circonstance pour engager un débat avec Johann Chapoutot, car si je ne suis pas historien et n’ai pas la prétention de rivaliser avec l’érudit qu’il est, je n’en ai pas moins l’intuition que son diagnostic, si remarquable qu’il soit, est tout de même entaché d’un angle mort qui ne permet pas de pousser jusqu’au bout l’énumération de toutes les ressemblances entre les deux époques. Et tout particulièrement une question décisive, celle de l’unité de la gauche, est omise, ce qui pourrait en France avoir des effets funestes, comme ce fut le cas en Allemagne dans les mois précédant l’accession d’Hitler au pouvoir.

Si le travail de Chapoutot m’a impressionné, c’est de fait qu’il établit magnifiquement que l’accession d’Adolf Hitler au pouvoir ne doit rien au hasard. En 1933, c’est avec l’appui actif d’une partie du patronat allemand qu’il est nommé chancelier par Hindenburg. Et les parallèles avec la situation française actuelle ne sont pas anodins – même s’il ne s’agit évidemment pas d’assimiler Hitler à quelque figure politique contemporaine que ce soit.

Les ressemblances sont même si nombreuses que leur énumération,


Laurent Mauduit

Journaliste