Politique

Qui a peur de regarder en face le passé colonial ?

Historien, Historien, Historienne

Commissions sur la guerre du Cameroun, sur l’histoire franco-algérienne, sur Haïti et sur Madagascar : certains historiens marqués à droite expriment leur opposition à ces travaux, qui ont pourtant démontré leur utilité pour la recherche historique. C’est le cas de Pierre Vermeren dans Le Figaro, qui fustige la politique mémorielle visant à faire lumière sur le rôle de la France dans la répression contre les mouvements indépendantistes.

Alors qu’Emmanuel Macron vient de reconnaître la guerre à laquelle la France a participé au Cameroun, suite à la remise d’un rapport d’une commission d’historiens et historiennes, que la commission mixte sur l’histoire franco-algérienne est au point mort suite au conflit diplomatique qui oppose la France et l’Algérie, et que deux nouvelles commissions sont annoncées par la présidence de la République française sur Haïti (notamment sur la question de la dette) et l’autre sur les « atrocités commises » à Madagascar (1947), dans le contexte actuel de changement de gouvernement et d’instabilité politique, certains historiens marqués à droite critiquent le principe de ces commissions, qui ont pourtant démontré, par le passé, leur utilité pour la recherche historique.

publicité

Pour comprendre ce paradoxe, il faut relire l’interview de l’historien Pierre Vermeren dans Le Figaro à l’occasion de la reconnaissance par Emmanuel Macron de la guerre du Cameroun, pour mesurer tous les enjeux de cette polémique. Une interview à décrypter, donc, ligne à ligne, car pour cet historien spécialiste du Maghreb colonial, la France n’aurait pas dû reconnaître cette guerre, se demandant « ce que la France peut bien gagner diplomatiquement dans cette affaire » et son intérêt à regarder l’histoire coloniale en face, critiquant ainsi les autres initiatives et commissions sur le passé colonial, et la politique d’Emmanuel Macron en la matière depuis sept ans. Curieuse analyse pour un historien qui devrait, en toutes circonstances, faire primer la vérité sur toute autre considération (opportunité, diplomatie, intérêts corporatistes ou financiers, enjeux idéologiques ou politiques…).

Décryptage nécessaire du texte… et analyse de son combat contre la « repentance présidentielle »

Pour Pierre Vermeren, les « dirigeants africains sont éberlués, très étonnés par toutes ces démarches. Loin d’œuvrer en faveur de la paix, nous risquons [avec de telles reconnaissances sur le passé colonial et les crimes


[1] Voir à ce sujet notre ouvrage collectif, Décolonisations françaises. La chute d’un empire, Éditions de La Martinière, 2020.

[2] Pierre Nora et Benjamin Stora, Les mémoires coloniales, Bayard, 2021.

[3] Cela a même fait l’objet de travaux universitaires : Sara Jubault, Emmanuel Macron et les mémoires coloniales : une communication et une démarche en rupture ?, Master, Sciences de l’information et de la communication, 2019. Mais aussi d’essais critiques, à l’image du livre de Sébastien Ledoux et Paul Max Morin, L’Algérie de Macron. Les impasses d’une politique mémorielle, PUF, 2024.

[4] Voir à ce sujet la richesse et la diversité des travaux en lien avec le passé colonial : par exemple Pierre Singaravélou (dir.), Colonisations, notre histoire, Le Seuil, 2023 ; Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, Dominic Thomas (dir.), Histoire globale de la France coloniale, Éditions Philippe Rey, 2022.

Nicolas Bancel

Historien, Professeur ordinaire à l'Université de Lausanne

Pascal Blanchard

Historien, Chercheur associé au CRHIM (UNIL)

Karine Ramondy

Historienne , Chercheuse associée à SIRICE au sein de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Mots-clés

Mémoire

Notes

[1] Voir à ce sujet notre ouvrage collectif, Décolonisations françaises. La chute d’un empire, Éditions de La Martinière, 2020.

[2] Pierre Nora et Benjamin Stora, Les mémoires coloniales, Bayard, 2021.

[3] Cela a même fait l’objet de travaux universitaires : Sara Jubault, Emmanuel Macron et les mémoires coloniales : une communication et une démarche en rupture ?, Master, Sciences de l’information et de la communication, 2019. Mais aussi d’essais critiques, à l’image du livre de Sébastien Ledoux et Paul Max Morin, L’Algérie de Macron. Les impasses d’une politique mémorielle, PUF, 2024.

[4] Voir à ce sujet la richesse et la diversité des travaux en lien avec le passé colonial : par exemple Pierre Singaravélou (dir.), Colonisations, notre histoire, Le Seuil, 2023 ; Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, Dominic Thomas (dir.), Histoire globale de la France coloniale, Éditions Philippe Rey, 2022.