Gaza-Ville
9 septembre 2025
Le hurlement de l’âme au seuil de la douleur
La douleur n’est pas une sensation fugace mais une créature tapie en nous. Elle a des crocs et des doigts ; elle appuie sur le cœur, pèse sur la poitrine et fait trembler chaque respiration qu’on dirait déchirée comme un trou dans l’air. Arrive un moment – un seul – où tous les murs intérieurs que nous avons construits s’effondrent et nous atteignons ce qu’on appelle le seuil de la douleur.

À ce stade, la douleur n’est plus un simple écho ni un tressaillement. Elle se transforme en hurlement. Ce n’est plus un cri que l’oreille peut saisir mais le hurlement d’une âme – un gémissement né de l’intérieur, qui ébranle le corps. Il rappelle le vent qui s’engouffre dans une maison déserte ou le vide qui explose dans l’esprit.
À Gaza, ce hurlement est devenu la langue secrète de tous et de toutes. L’enfant qui sourit pour ne pas pleurer devant sa mère, la mère qui cache ses larmes à son enfant, l’homme qui est debout et muet devant le cadavre de son fils… ils hurlent intérieurement, mais c’est un son que le monde ne peut pas entendre. Ils sont sur le seuil – et au-delà.
La politique sait qu’une personne qui atteint le seuil de la douleur subit la forme de subjugation la plus totale. L’occupation ne se contente pas de tuer des corps ; elle sème de la souffrance dans les âmes jusqu’à ce que cette souffrance devienne une identité. Elle cherche à faire de chaque personne un mur en ruines, de chaque esprit un hurlement sans fin. À Gaza, faire la guerre ne se réduit pas à bombarder, c’est un projet dont le but est de purger les gens – de la patience, de l’endurance, du sens même de la vie.
Paradoxalement, la douleur, une fois qu’elle atteint ce point, transcende le langage. Aucun texte n’y suffit, aucun discours, aucune déclaration. Elle s’impose d’elle-même, tel un hurlement continu, une vibration habitant chaque corps. Les yeux hagards, les mains tremblantes, les silences prolongés – ce ne sont que différen