Cinéma

Black and blue – sur Bande-son pour un coup d’État de Johan Grimonprez

Critique

Nommé à l’Oscar du meilleur documentaire en 2025, le nouveau long-métrage de Johan Grimonprez se donne le projet ambitieux de condenser le climat culturel et politique international qui entoure le coup d’État contre Patrice Lumumba en 1961 et la politique étatsunienne de diplomatie culturelle par le jazz. En résulte un film complexe, audacieux par ses paris de montage, qui entend restituer l’émergence d’une conscience internationale aux États-Unis à l’époque du nationalisme noir.

Le film d’archives est un genre curieux. Quand Emile de Antonio réalise, en 1964, Point of Order, c’est dans l’optique de se réapproprier les images de la Commission des activités anti-américaines du sénateur McCarthy et d’y adosser un contre-récit.

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En URSS, Mikhaïl Romm dirige Fascisme ordinaire (1965), examinant les archives d’avant-guerre pour y décrire la montée du nazisme en Allemagne et ses conséquences néfastes. Genre critique par excellence, remplissant des fins de contre-propagande, le documentaire d’archives a quelque chose de contextuel : dans la perspective du combat politique ou de l’analyse, il répond à la nécessité, à l’époque des actualités filmées et de la télévision, de faire entendre des contre-récits par les moyens du cinéma.

Aussi s’étonne-t-on que, aujourd’hui, des cinéastes s’évertuent encore à traiter la même époque (les années 1960, la guerre froide) avec le même moyen, celui du documentaire d’archives. Il y a Johan Grimonprez, certes, mais aussi Jean-Gabriel Périot, Göran Olsson, Raoul Peck ou Mila Turajlić (sans parler de leurs ancêtres Jean-Luc Godard, Fernando Solanas ou Harun Farocki). C’est que ce genre ne se définit pas par son médium, l’archive, mais par la technique sur laquelle il s’appuie : le montage. De là, se sont forgés le terme de cinéma de réemploi ou de film de montage qui réaffirment la subjectivité du cinéaste-monteur et sa part de maîtrise technique. Un paradoxe naît alors : la prouesse plastique est souvent minorée par rapport au contenu des œuvres.

En ce qui concerne Johan Grimonprez et Soundtrack to a Coup d’État, soulignons d’abord le brio d’un cinéaste dont l’œuvre s’est nourrie de son expérience de plasticien comme l’indique son premier long-métrage dial H-I-S-T-O-R-Y qui entend faire la synthèse de l’histoire de la piraterie aérienne d’extrême-gauche au XXe siècle. Prolongeant une installation que le Belge a présentée à la documenta X et dont il a aussi tiré un livre écrit par le philosophe Slavoj Žižek,


Élias Hérody

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