Politique

Drapeau palestinien et vexillopédie d’État

Historien, Historien

Qu’est-ce qu’un drapeau ? Le spectre des significations de ce symbole est large, et il convient de s’attarder sur les interprétations politiques et juridiques qui ont émergé lors du débat autour des pavoisements – ici du drapeau palestinien – sur les mairies le 22 septembre 2025. Entre revendications de neutralité ou affirmation des valeurs républicaines, cet objet est un lieu de projections de nos représentations.

Un drapeau peut en cacher un autre qui peut en cacher un autre voire bien d’autres. C’est d’ailleurs le propre des drapeaux : comme sur les pages des dictionnaires, ils existent les uns en regard des autres.

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Certains maires l’ont bien compris, ceux qui ont pavoisé le 22 septembre, jour où la France, par la voix d’Emmanuel Macron, a reconnu l’existence de l’État palestinien à la tribune des Nations Unies : à Saint-Ouen, le maire socialiste avait prévenu qu’il afficherait au jour J les drapeaux israélien et palestinien ; à Vandœuvre-lès-Nancy, sous le regard d’une colombe de la paix, le jumelage des deux pavillons a pris effet dans la salle d’un conseil municipal qui affiche près de cent drapeaux ; à Carhaix, le maire régionalo-nationaliste le fit placer au fronton du bâtiment municipal entre ses « homologues » européen et breton.

Entre adhésion à un mouvement vexillaire supposé accompagner la reconnaissance d’un État par l’un des cinq États membres du Conseil de sécurité de l’ONU, politisation d’un emblème dont le ministre de l’Intérieur, garant supposé du droit dans notre régime républicain et président du parti de droite Les Républicains, s’est fait l’un des vecteurs, et « zone grise » du pavoisement officiel, les bisbilles autour de la bannière aux trois bandes horizontales noire, blanche et verte assorties d’un triangle rouge, peuvent prêter à « rire » (jaune) tant les enjeux géopolitiques rendent apparemment dérisoire une énième déclinaison des luttes symboliques dont sont friandes les guerres picrocholines. « Poloche » (politique politicienne), l’affaire des drapeaux palestiniens sur des mairies françaises ? Allons voir de plus près.

État des lieux

Pour qui regarde les drapeaux avec un peu plus d’attention que la plupart de ses contemporains, l’actualité vexillaire du 22 septembre lui aura donné toute latitude de constater que le drapeau fait toujours couler de l’encre. Inscrit dans un habitus national dont Norbert Elias a fait, dans son ouvrage class


[1] Norbert Elias, Les Allemands. Luttes pour le pouvoir et développement de l’habitus aux XIXe et XXe siècles, Seuil, 2017 [1989].

[2] Louis Marin, « L’efficace de l’image religieuse : de la relique à l’image », Chimères. Revue des schizoanalyses, n° 10, 1990, p. 103-119.

[3] Alfred Gell, L’Art et ses agents. Une théorie anthropologique, Dijon, Les Presses du réel, 2009 [1998].

[4] Arthur Gaudin, Les Symboles constitutionnels. Étude sur la force juridique des symboles à partir de l’article 2 de la Constitution de 1958, thèse de droit public (Dominique Rousseau, dir.), Université Paris 1, 2021, p. 162.

[5] Pierre Guibentif, « Imaginaire social », dans André-Jean Arnaud (dir.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, LGDJ, 2018, p. 288.

[6] Question n° 50143, Journal officiel, 1er février 2005, p. 1112.

[7] Arthur Gaudin, Les Symboles constitutionnels, p. 385.

[8] Philippe Raynaud, Histoire d’une singularité française, Gallimard, 2019.

Philippe Lagadec

Historien, Ingénieur d’études au Centre de recherche bretonne et celtique

Laurent Le Gall

Historien, Professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Brest

Rayonnages

Politique

Notes

[1] Norbert Elias, Les Allemands. Luttes pour le pouvoir et développement de l’habitus aux XIXe et XXe siècles, Seuil, 2017 [1989].

[2] Louis Marin, « L’efficace de l’image religieuse : de la relique à l’image », Chimères. Revue des schizoanalyses, n° 10, 1990, p. 103-119.

[3] Alfred Gell, L’Art et ses agents. Une théorie anthropologique, Dijon, Les Presses du réel, 2009 [1998].

[4] Arthur Gaudin, Les Symboles constitutionnels. Étude sur la force juridique des symboles à partir de l’article 2 de la Constitution de 1958, thèse de droit public (Dominique Rousseau, dir.), Université Paris 1, 2021, p. 162.

[5] Pierre Guibentif, « Imaginaire social », dans André-Jean Arnaud (dir.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, LGDJ, 2018, p. 288.

[6] Question n° 50143, Journal officiel, 1er février 2005, p. 1112.

[7] Arthur Gaudin, Les Symboles constitutionnels, p. 385.

[8] Philippe Raynaud, Histoire d’une singularité française, Gallimard, 2019.