Le Clou
Li Jiaqi
Depuis mon retour à Nanyuan il y a quinze jours, je ne suis pas sortie, sauf au supermarché du coin. Et à la pharmacie, pour mes insomnies. Jusqu’à ce matin où il a sombré dans le coma, je suis restée à la maison, à veiller cet homme en train de mourir. Le temps était couvert, il faisait très lourd dans la chambre. Je me tenais près du lit, l’ombre de la mort rôdait comme un vol noir de chauves-souris tournoyant au plafond. Enfin ! Ce jour était venu. J’ai quitté la pièce.
J’ai sorti de ma valise un gros manteau de laine. La maison a toujours été mal chauffée, sans doute parce qu’elle est trop grande. Jusqu’à présent, j’avais essayé de m’habituer au froid qui suinte des murs, mais je n’en pouvais plus. Je suis allée à la salle de bains, sans allumer : la lumière bleue du néon est encore plus glaçante. Je me suis rincé le visage en pensant à ce qui se passerait le lendemain. Demain, quand il sera mort, je changerai toutes les ampoules de la maison. Le lavabo fuyait, l’eau dégoulinait sans bruit sur mes pieds, tiède comme du sang. Je suis restée là, sans me décider à fermer le robinet.
Je suis descendue à la cuisine, j’ai préparé deux œufs au plat et une tranche de pain grillé. J’ai pris mon petit déjeuner sans me presser, ensuite j’ai décroché tous les rideaux de la maison en montant sur un escabeau que j’ai trouvé dans la réserve. De retour au salon, au rez-de-chaussée, je me suis rendu compte qu’il était métamorphosé. Depuis le seuil, j’ai contemplé la grande fenêtre dénudée en clignant des yeux. Dans le moindre recoin, les rayons du soleil illuminaient chaque particule de poussière, remuant le secret enfermé dans la pièce.
L’après-midi, je suis retournée le voir dans sa chambre. Sous l’épais édredon, on aurait dit que son corps avait rétréci. Il faisait toujours sombre et la mort continuait de tournoyer là-haut, hésitant à descendre. Oppressée, les tempes battantes, j’ai enfilé mon manteau et je me suis enfuie.
J’ai erré sans but sur le campus de la F