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Sécurité énergétique de l’Union européenne : l’étau de deux impérialismes

Économiste

L’accord signé le 27 juillet entre l’Union européenne et les États-Unis contient la promesse d’une augmentation de l’importation de son gaz de schiste par l’Europe. La quête de l’UE pour sa sécurité gazière, notamment vis-à-vis de la Russie, s’est faite sous influence américaine. Elle l’a conduite à développer des infrastructures d’import de gaz liquéfié – en contradiction avec ses ambitions climatiques.

Le 27 juillet 2025 la présidente de la Commission européenne (CE) Ursula von der Leyen signait avec Donald Trump un accord commercial évitant à l’Europe de se voir imposer des droits de douanes de 30 % sur les produits qu’elle exporte vers les États-Unis. Cet accord solde de drôles de négociations qui ont vu les États-Unis, selon la présidente elle-même, ne faire aucune concession, et la Commission faire la démonstration de sa servitude.

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Que contient l’accord ? Principalement la promesse faite aux États-Unis d’investir 600 milliards de dollars dans l’économie américaine en plus des investissements existants, de leur ouvrir le marché européen de l’armement et d’y importer 750 milliards de dollars de produits énergétiques d’ici à 2028. Ces derniers englobent principalement le gaz naturel liquéfié (LNG)[1] et le pétrole.

La classe politique française, tous bords confondus, a largement critiqué cet accord en dénonçant la « vassalisation » de l’UE aux États-Unis. La surprise est de taille pour certains représentants politiques et commentateurs qui s’inquiètent que la politique de la CE conduise à remplacer la dépendance au gaz russe par celle au gaz américain. Qui aurait pu prédire cet engagement de la CE en faveur de l’industrie climaticide d’un allié qui, sous la mandature de Trump, ne cache plus son mépris pour l’UE ?

L’appétit de la CE pour le LNG américain n’est pourtant pas nouveau et son exportation vers l’Europe n’est pas la dernière lubie de Trump ; c’est d’avantage un objectif partagé par les administrations républicaine et démocrate. Car la politique énergétique se fait en deux temps : celui du développement des infrastructures, qui nécessite des années, et celui de l’approvisionnement en ressources énergétiques, qui se fait à plus court terme. Ainsi, pour importer de tels volumes de LNG à l’horizon 2028, il fallait que les infrastructures européennes soient prêtes. Et elles le sont. Retour sur deux décennies d’une politique énergétique européenne en


[1] Le gaz naturel liquéfié (LNG) est du gaz qui a été refroidi pour atteindre l’état liquide. Il occupe 600 fois moins de place qu’à l’état gazeux et peut être transporté par bateau. En 2023, environ 78 % du gaz américain était du gaz de schiste selon l’US Energy Information Administration.

[2] Calculs sur la base des données d’EXPRO Consulting et d’Eurostat.

[3] Voir la carte en ligne des réseaux de gaz européens.

[4] Bcm (billion cubic meters) : milliard de mètres cubes.

[5] Sami Ramdani, « De Biden vice-président à Biden président : 5 ans de politique américaine envers Nord Stream 2 », Diploweb : La Revue géopolitique, 2 mai 2021.

[6] Actuellement, les organisateurs du sabotage ne sont pas identifiés. Voir « Trois scénarios pour un attentat », Le Monde Diplomatique, octobre 2024.

[7] Les sites de stockage appartenant à Gazprom et situés en Europe étaient utilisés à 22 % de leurs capacités fin 2021.

[8] Le marché « spot » ou marché au comptant est celui sur lequel s’effectue les échanges portant sur des paiements et des livraisons immédiates, en opposition aux marchés dits « futurs » ou marchés à terme.

[9] La firme Novatek est le deuxième producteur de gaz en Russie après Gazprom. L’un de ses actionnaires majeurs est Gennady Timtchenko, un proche de Poutine. Elle est spécialisée dans la production et l’export de LNG.

[10] Noémie Rebière, Sami Ramdani, Luca Baccarini « Guerre russo-ukrainienne : la région de la mer Noire au cœur de la reconfiguration des flux énergétiques », Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques, avril 2024, p. 37.

[11] Jack Sharples, « A Brave New World ? LNG Contracts in the Context of Market Turbulence and an Uncertain Future », The Oxford Institute for Energy Studies, 2023.

[12] Robert W. Howarth, « The greenhouse gas footprint of liquefied natural gas (LNG) exported from the United States », Energy Science & Engineering, 2024.

Clément Bonnet

Économiste, enseignant-chercheur en économie à l’Université de Montpellier, chercheur au sein du laboratoire ART-Dev et chercheur associé à la Chaire Économie du Climat

Notes

[1] Le gaz naturel liquéfié (LNG) est du gaz qui a été refroidi pour atteindre l’état liquide. Il occupe 600 fois moins de place qu’à l’état gazeux et peut être transporté par bateau. En 2023, environ 78 % du gaz américain était du gaz de schiste selon l’US Energy Information Administration.

[2] Calculs sur la base des données d’EXPRO Consulting et d’Eurostat.

[3] Voir la carte en ligne des réseaux de gaz européens.

[4] Bcm (billion cubic meters) : milliard de mètres cubes.

[5] Sami Ramdani, « De Biden vice-président à Biden président : 5 ans de politique américaine envers Nord Stream 2 », Diploweb : La Revue géopolitique, 2 mai 2021.

[6] Actuellement, les organisateurs du sabotage ne sont pas identifiés. Voir « Trois scénarios pour un attentat », Le Monde Diplomatique, octobre 2024.

[7] Les sites de stockage appartenant à Gazprom et situés en Europe étaient utilisés à 22 % de leurs capacités fin 2021.

[8] Le marché « spot » ou marché au comptant est celui sur lequel s’effectue les échanges portant sur des paiements et des livraisons immédiates, en opposition aux marchés dits « futurs » ou marchés à terme.

[9] La firme Novatek est le deuxième producteur de gaz en Russie après Gazprom. L’un de ses actionnaires majeurs est Gennady Timtchenko, un proche de Poutine. Elle est spécialisée dans la production et l’export de LNG.

[10] Noémie Rebière, Sami Ramdani, Luca Baccarini « Guerre russo-ukrainienne : la région de la mer Noire au cœur de la reconfiguration des flux énergétiques », Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques, avril 2024, p. 37.

[11] Jack Sharples, « A Brave New World ? LNG Contracts in the Context of Market Turbulence and an Uncertain Future », The Oxford Institute for Energy Studies, 2023.

[12] Robert W. Howarth, « The greenhouse gas footprint of liquefied natural gas (LNG) exported from the United States », Energy Science & Engineering, 2024.