Cameroun : mobilisations autour de la vérité électorale
Le 12 octobre 2025, 7,8 millions d’électeurs et d’électrices camerounais sont invités à se rendre aux urnes pour élire leur président. Le verdict officiel, proclamé le 26 octobre par le Conseil constitutionnel, donne 53,66 % des voix à Paul Biya, président sortant, et 35,19 % à Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre devenu un challenger inattendu dans les derniers jours de campagne. Dès le lendemain de l’élection, l’opposant revendique la victoire et affirme détenir la « vérité des urnes ». En réponse, le journal gouvernemental titre « L’heure de vérité », le jour de la proclamation des résultats.

Cette vérité électorale est aujourd’hui au cœur d’un rapport de forces entre le pouvoir en place, et une constellation d’acteurs : de l’opposant retranché dans sa villa de Garoua, dans le Nord du pays, aux manifestants de Douala, la capitale économique du Cameroun. Déjà, plusieurs de ces manifestants ont été tués par les forces de sécurité, et plusieurs grandes figures pro-opposition ont été arrêtées.
Ce conflit électoral n’est pas inédit au Cameroun, mais il prend une ampleur inattendue cette fois-ci. Il s’inscrit dans un mouvement plus large de mobilisations post-électorales, des États-Unis (2020), au Kenya (2008 et 2017) en passant par le Brésil (2018), ou encore la Guinée (2020)[1]. Parfois violentes, ces disputes sont bien sûr le fruit de tactiques politiques de la part de candidats défaits. Elles reposent également sur une remise en cause plus générale du régime de la vérité électorale, au fondement de la démocratie représentative[2]. L’autorité et la légitimité des institutions censées énoncer cette vérité mathématique, l’agrégation chiffrée des votes individuels, sont érodées. Le registre de la défiance, favorisé par l’usage des réseaux sociaux, est devenu une ressource politique, et un vecteur de réappropriation citoyenne du vote.
Au Cameroun, à la longue histoire d’élections controversées s’ajoute la fragilité du régime de vérité politique et institution
