Récit

Svetlana, Virginia et Louis

Performeuse, chorégraphe, danseuse, autrice

Quel rapport entre Svetlana Alexievitch, Virginia Woolf et Louis Sarkozy ? Trois fées, y inclus l’auteure du texte, se penchent sur le berceau de celui dont on imagine « le prompt qu’il a rentré sur chatgpt : jeune homme bien né veut entrer en politique ». Plus sérieusement – même si la danseuse et chorégraphe Aude Lachaise, dont on voit qu’elle ajoute l’écriture à son arc, inspire plutôt ici dérision et comédie : celle-ci trouve le moyen de dire aux deux écrivaines combien ces femmes comptent dans sa vie.

Chère Svetlana Alexievitch,

C’est drôle je discutais avec Virginia Woolf quand j’ai pensé à toi. Je lui racontais combien le seul petit livre que j’avais lu d’elle m’avait plongée dans la dep. Je lui racontais combien manger des pruneaux dans le réfectoire en préfabriqué d’Oxford quand ces messieurs boivent de la Fine-Cognac, le cul enfoncé dans des gros fauteuils en velours, m’avaient foutu le bourdon et poussé à clore peut-être trente cinq années de lectures et d’engagements féministes. Je lui avais fait un historique que j’avais imaginé long et exhaustif mais je n’ai pu citer que Bourdieu, Despentes, Marcela Iacub[1]. Simone de Beauvoir, je n’ai pas dépassé le premier chapitre[2]. Je lui ai même parlé d’Elisabeth Badinter (lol, surlol) dont j’ai lu l’essai contre l’allaitement, un essai aussi objectif qu’un reportage de M6 sur les woke aux USA mais à l’époque je ne m’en rendais pas compte et elle avait vraiment réussi à me convaincre que des milices de la Lecce League aussi rigolotes que des prolife, harcelaient tous les jours dans tous les hôpitaux de France des jeunes mères en plein baby blues pour les forcer à allaiter. Ça ne fait pas beaucoup de livres mais en vrai, j’ai beaucoup lu sur toutes ces questions, je n’ai juste pas la mémoire des noms. J’ai lu Katy Acker, des trucs queers, des témoignages sur l’inceste, sur la guerre d’Algérie, sur Ni putes ni soumises et bien sûr mes algos étaient en boucle sur #me too, les clitoris, le squirting, les chiffres dans la culture, la parité, la sororité, le patriarcat, les minijupes, les féminicides, les prosex, les viols collectifs et le polyamour – par chance, j’ai toujours été épargnée par les problèmes de poids, les troubles de l’alimentation et l’épilation. Nota Bene : ne pas oublier de remercier ma mère.

Je connais tout de la charge mentale.

Mais les pruneaux, à la cantine dans les préfabriqués d’Oxford, mon dieu, je l’ai dit à Virginia, ça m’a A – CHE – VÉE. J’ai dit stop. Tu te fais du mal. Arrête. Et je me su


[1] Il paraît qu’elles se détestent avec VD. Moi en vrai, je l’avais trouvée chelou mais assez fun. Elle montait tout un scénario hypothétique et juridique dans lequel un homme introduisait son doigt dans le sexe de sa voisine pendant son sommeil, à son insu. Ils étaient plutôt amis et entretenaient de bonnes relations avant et après jusqu’à ce qu’il lui avoue un beau soir, son geste. Cela avait pour effet de plonger sa voisine dans le désespoir qui s’estimait subitement détruite. Cela posait la question des conséquences juridiques pour lui. (Marcella Iacub est avocate.) J’ai lu ce livre, il y a vingt ans. Avec le recul, ça semble beaucoup, beaucoup moins fun et pas si tarabiscoté mais à l’époque sa position avait le mérite de poser des questions morales et juridiques complexes et inouïes.

[2] Assez intéressant pourtant ! Dans ce chapitre : un gros ovule passif – stupide ça n’était pas précisé mais on avait tous compris qu’il n’avait sans doute pas inventé la poudre vue comme il était gros (#stopgrossophobie) – se faisait féconder par le plus méritant d’une horde de vifs spermatozoïdes pugnaces, solidaires et entreprenants. Un narratif originel qui augurait de l’objectivité et de l’équité de traitement avec lesquels les femmes devraient composer pour vivre ou simplement survivre.

Aude Lachaise

Performeuse, chorégraphe, danseuse, autrice

Rayonnages

FictionsRécit

Notes

[1] Il paraît qu’elles se détestent avec VD. Moi en vrai, je l’avais trouvée chelou mais assez fun. Elle montait tout un scénario hypothétique et juridique dans lequel un homme introduisait son doigt dans le sexe de sa voisine pendant son sommeil, à son insu. Ils étaient plutôt amis et entretenaient de bonnes relations avant et après jusqu’à ce qu’il lui avoue un beau soir, son geste. Cela avait pour effet de plonger sa voisine dans le désespoir qui s’estimait subitement détruite. Cela posait la question des conséquences juridiques pour lui. (Marcella Iacub est avocate.) J’ai lu ce livre, il y a vingt ans. Avec le recul, ça semble beaucoup, beaucoup moins fun et pas si tarabiscoté mais à l’époque sa position avait le mérite de poser des questions morales et juridiques complexes et inouïes.

[2] Assez intéressant pourtant ! Dans ce chapitre : un gros ovule passif – stupide ça n’était pas précisé mais on avait tous compris qu’il n’avait sans doute pas inventé la poudre vue comme il était gros (#stopgrossophobie) – se faisait féconder par le plus méritant d’une horde de vifs spermatozoïdes pugnaces, solidaires et entreprenants. Un narratif originel qui augurait de l’objectivité et de l’équité de traitement avec lesquels les femmes devraient composer pour vivre ou simplement survivre.