Cinéma

Illusions perdues – sur Mektoub, My Love : Canto due d’Abdellatif Kechiche

Critique

Nouveau chant de la saga Mektoub, My Love, le Canto due de Kechiche prolonge le motif de la domination sociale dans sa mise en scène des désirs et mektoubs amoureux au bord de la mer. Le film est recouvert d’un voile pudique qui, s’il surveille l’érotisation des corps féminins en changeant de cadrage, échoue toutefois à subvertir le regard.

Pensé dès sa conception par son auteur comme une saga qui embrasserait la vie de ses personnages sur plusieurs années, Mektoub, My Love s’est doublé d’un autre feuilleton. Celui de la sortie de ses trois épisodes, compliquée voire empêchée par mille problèmes financiers, juridiques et surtout par la rumeur de soufre autour des conditions de tournage.

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Deux chants, deux feuilletons

Le premier volet était sorti en salle avec une toute nouvelle bande son, nombre de titres ayant dû être retiré du montage présenté à la Mostra de Venise pour cause de droits musicaux trop onéreux. Même litige sur Intermezzo (2019), pour les morceaux entendus dans le club qui constitue la majeure partie du film et dont les droits s’élèveraient, peut-on entendre ici ou là, à une somme à six chiffres que le distributeur n’était pas prêt à débourser.

Surtout, le deuxième volet, Mektoub, My Love : Intermezzo, interlude d’une nuit de fête fougueuse n’est jamais sorti en salle. Deux projections à Cannes en 2019 et puis s’en va. Ce film fantôme a fait l’objet de bien des articles qui se sont essayés à retracer la genèse de son histoire maudite autant que le bonheur cinéphile de sa réception hallucinée. D’autant que le film a été marqué par le malaise provoqué par le départ de la salle d’Ophélie Bau, son interprète principale, avant même la projection, apprenant que la scène de cunnilingus non simulé de treize minutes à laquelle elle regrettait de s’être prêtée figurait au montage final contre son avis.

Entre le début de l’été 1994 dans Canto uno et la fin de Canto due, l’histoire du film a bougé tout autant que le monde a évolué, Kechiche s’est renfermé et parle d’autant moins maintenant qu’on le dit affaibli par un AVC. À l’invitation du festival Cinemed à Montpellier en 2022, il a donné une master class houleuse interrompue par des interventions de féministes ulcérées autant par ses films, par ses interventions, que par l’invitation qui était faite à un homme accusé de violence sexuelle


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